Depuis toujours l’homme observe, analyse et tire des conclusions. Ces éléments sont à la base de toute connaissance scientifique, et la météorologie, la science des phénomènes atmosphériques, n’y fait pas exception.
Ces derniers sont d’une importance capitale pour l’homme et ses activités. Ne doit-il pas en tenir compte tous les jours pour le vêtement, le travail les voyages et quoi encore. De là l’importance qu’il attache à prévoir ces phénomènes et l’intérêt qu’il porte aux bulletins de météo que la radio ou la télévision apportent chaque jour et même plusieurs fois par jour.
En agriculture, ces prévisions sont fort utiles pour le succès des semences ou des récoltes. Nos ancêtres s’efforçaient de prévoir la “température” et de leurs observations, les couchers de soleil, la clarté des montagnes, l’écho, l’orientation du vent, le comportement des animaux, ils tiraient des prévisions devenues des adages: “Le trois fait le mois; à la chandeleur, la neige est à la moitié de sa hauteur; en avril, ne te découvre pas d’un fil”. De même le pêcheur sait apprécier les vagues, les nuages à l’horizon, présage de succès ou de tempêtes; les aviateurs ont besoin des prévisions atmosphériques pour établir la route à suivre; même les vacanciers veulent savoir le temps qu’il fera. Que d’efforts pour prévoir les ouragans, ou une période de beau temps qui assure le succès d’une grande entreprise.
L’homme n’a pas tardé à avoir recours à des instruments pour fonder davantage le succès des prévisions climatiques. Les gouvernements y ont vu une nécessité qui les a forcé à des relevés, à des analyses permettant d’établir le plus justement possible les conditions climatiques et les prévisions atmosphériques. C’est ainsi qu’ils ont créé des organismes voués spécialement à cette fin. Le gouvernement fédéral a un Bureau central de météorologie à Toronto. Et au Québec, le Ministère des Ressources naturelles compte sur plus de 200 stations d’observations météorologiques dont il enregistre les données pour établir ses prévisions.
À Saint-Hyacinthe au XIXe siècle
C’est un professeur du Séminaire qui ouvrit le premier bureau de météorologie à Saint-Hyacinthe, l’abbé Charles-Philippe Choquette. Après son ordination sacerdotale en 1880, il acceptait d’y enseigner les sciences. Cinq ans plus tard, il partait parfaire ses connaissances dans la Ville Lumière. Durant son stage à la Sorbonne et à l’Institut catholique de Paris, il s’ouvre à la climatologie et se procure un barographe, instrument capable d’apprécier et d’enregistrer la pression atmosphérique, indicatrice du mauvais ou du beau temps à venir.
Esprit curieux, il ne manque pas de tirer profit de cet instrument. Vers 1892, il obtient du Bureau central fédéral de météorologie, divers instruments qu’il joint à son barographe et qui lui permettent d’élargir le champ de ses observations. Une girouette ainsi qu’un anémomètre sont installés sur la tour centrale du vieil édifice du Séminaire détruit par le feu en 1961; ils sont reliés à un “enregistreur électrique” situé au premier étage, en haut du vieil escalier en spirale, où on peut lire “de minute en minute” la direction et la vitesse du vent. Dans le parterre, devant la façade, sont placés un pluviomètre et “deux thermomètres à maxima et minima dont l’un à boule mouillée”. Durant cinq ans, l’abbé Choquette note les relevés de ses observations qu’il communique au Bureau central de Toronto.
La station 236
En 1898, après cinq ans d’activité, le travail d’observations météorologiques cessait à Saint-Hyacinthe. Il devait être repris quelque trente cinq ans plus tard par un autre professeur de sciences au Séminaire, l’abbé François-Xavier Côté. Ce dernier, originaire de Sainte-Rosalie, obtenait son B.A. en 1921 et recevait la prêtrise en 1926. La même année, il était chargé de l’enseignement des sciences au Séminaire où durant quatre ans, avec dévouement et originalité, il se consacre à cette tâche. Après des études à la Faculté des Sciences de l’Université de Montréal, il reprend son enseignement de la physique, de la chimie et des mathématiques à la même institution. En même temps, il s’occupe de sciences naturelles et enrichit le musée d’oiseaux et de petits animaux qu’il fait empailler.
Fils de la terre, il y demeure attaché et en cultive un petit coin hérité de sa famille à Sainte-Rosalie. Il va de soi qu’il est intéressé par le “temps qu’il fera”, par les conditions atmosphériques. En 1934, pour le Séminaire, il obtient du Service de météorologie de Québec, une station qui a la reconnaissance officielle: elle porte le numéro 236. Cette station compte de nombreux instruments de mesure: pluviomètre qui permet de recueillir l’eau de pluie qu’on peut ensuite mesurer, évaporomètre ou récipient permettant d’établir l’eau qui s’évapore, psychomètre ou hygromètre pour l’humidité relative; pour la température, thermomètre divers: de sol, de gazon, à maxima et minima, thermomètre “six” qui retient les températures les plus hautes et les plus basses, thermographe pour la courbe des températures ographe qui enregistre la durée de l’insolation, ainsi que le barographe que l’abbé Choquette avait apporté de France cinquante ans plus tôt; aussi un autre baromètre de précision; aussi une table et une échelle pour établir l’importance des chutes de neige. Cette instrumentation déjà élaborée se complétait bien entendu, sur le toit de l’aile ouest du Séminaire, d’une girouette et d’un anémomètre pour indiquer l’orientation du vent et mesurer sa vitesse. Si l’anémomètre disparut assez vite suite à une tornade, la girouette a survécu. Elle est encore en place, bien que blessée gravement par les tourments subis au cours de ses soixante ans d’existence. Ces derniers appareils étaient reliés à des cadrans de mesure qui se voient encore dans l’escalier menant au réfectoire des professeurs. Ils sont les témoins nostalgiques et intrigants d’un passé bien actif.
Une partie de ces instruments étaient gardés dans un abri, la ruche comme on l’appelait. C’était une boîte de bois allongée, de base carrée, dont les murs étaient à claire-voie pour assurer la circulation de l’air et couverte d’un double toit contre les rayons du soleil. Cet abri reposait sur une plate-forme nivelée à 45 pouces du sol. Elle était au centre d’une petite terrasse qui a cédé la place à un garage et à la cour de récréation de la Petite Académie du Boisé, qu’on peut voir près de la rue Pratte actuelle.
Pendant de nombreuses années, l’abbé Côté fut le responsable en titre de la station et chaque matin, durant la décennie 1930, les pensionnaires, au petit déjeuner, et la visite était reprise à 18:00 heures, le voyaient en train d’ausculter la petite boîte blanche. Il faisait la lecture des instruments, notait ses observations et mettait à jour les appareils comme les thermomètres.
En l’absence de l’abbé Côté, c’est le portier du Séminaire qui suppléait et qui notait les observations. C’est ainsi qu’à partir de 1948, monsieur Léo Saint-Laurent a souvent rempli cette tâche, spécialement durant la grave maladie de l’abbé et par la suite, alors que ce dernier s’est vu confier d’autres fonctions qui exigeaient des absences fréquentes et souvent prolongées.
L’abbé Côté est décédé en 1955. Il fut remplacé comme titulaire de la station par l’abbé Georges Lanciault, un professeur de physique et de mathématiques, qui durant une dizaine d’années, remplit la fonction avec assiduité et régularité.
Lui aussi dut quitter le Séminaire et en 1966, c’est monsieur Saint-Laurent qui prit la relève et qui devint l’observateur officiel de la station. Il était bien préparé à cette tâche pour y avoir collaboré durant près de 18 ans.
Ce n’était pas un travail de sinécure, car en plus des relevés quotidiens des données fournies par les instruments, l’observateur devait noter avec soin différents phénomènes: visibilité, hauteur de la neige, état du sol, nuages, brouillard, arcs-en-ciel, aurore boréale, éclipse du soleil ou de la lune, gelée blanche, giboulée, grésil, verglas, rosée, orage, poudrerie, tempête de neige, de pluie ou de poussière, sécheresse ou humidité du sol, coulée d’eau d’érable, éclatement des bourgeons, développement des feuilles, leur coloration, leur chute à l’automne, débâcle au printemps, inondations, état des chemins, incendie de forêt, tremblement de terre, temps des récoltes, les insectes, arrivée et départ des oiseaux, etc… des observations fastidieuses mais chargées de renseignements pour l’avenir.
Les observations quotidiennes étaient l’objet d’un rapport hebdomadaire dont copie était conservée. À la fin du mois, un rapport était complété en ajoutant la précipitation totale du mois, les températures maximales et minimales, et était envoyé à Québec et à Toronto. Tous les ans, un inspecteur du Service de météorologie de Québec venait vérifier la tenue des registres, l’état de l’abri et des instruments qui sont calibrés ou remplacés si défectueux. Il faisait les constatations sur l’état de la station et les recommandations sur les réparations à effectuer.
Durant près de 14 ans, monsieur Saint-Laurent a rempli la fonction d’observateur à la station 236, se faisant aider à l’occasion, de monsieur Joseph Gagnon, portier. Mais en 1979, la maladie le terrassait et il dut donner sa démission. La station ne fut pas continuée, car une autre avait été ouverte à Saint-Hyacinthe, à l’ITAA, et l’instrumentation était devenue désuète par suite de l’adoption par le Canada du système métrique. C’est ainsi que prenaient fin cinquante ans d’observations météorologiques au Séminaire.
Voici en terminant quelques conclusions à tirer de vos observations personnelles; la fumée s’élève droite, il n’y a aucun mouvement des feuilles et la surface d’un lac est un miroir, c’est le calme; pour une brise modérée qui correspond à 20-30 kilomètres à l’heure, le vent remue la poussière, les papiers et les petites branches; lors de forte brise, 40-50 milles les grosses branches se balancent, les fils électriques sifflent, le parapluie se tient difficilement, et ainsi de suite.
Pour les “prévisions du temps”: le vent est du sud-est au nord-ouest et le baromètre, stable à 30, 20, vous concluez au beau fixe; une pluie d’ici 12-24 heures est annoncée par un vent du sud-est au nord-est avec le baromètre montrant une chute lente; si la chute est rapide et le vent de l’est ou du nordet, alors c’est la pluie en moins de 12 heures.
Essayez-vous, observez, faites vos déductions et devenez votre propre météorologue, à l’instar de l’habitant d’autrefois qui savait prévoir le temps à venir par ses propres “constatations”.
Photo:
Barographe acheté par l’abbé Charles-Philippe Choquette, lors de ses études à Paris en 1885. Cet instrument a fait partie de ceux utilisés aux stations de météorologie du Séminaire. Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, CH099.
Ce texte est le résumé d'une conférence préparée par monsieur Léo Saint-Laurent et lue par madame Hélène Nichols devant les membres du Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe lors de la réunion du 6 juin 1996. Résumé de Jean-Baptiste Phaneuf.