Un coup d'oeil à la poste

Par Albert Rémillard, membre du Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe. Cet article fut publié en deux parties dans la chronique « Histoire d'ici » publiée dans le journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe du 15 et 22 décembre 2004.

⇔⇔⇔

L’année 2004 marque le 270e anniversaire de la création de la première route postale régulière entre Québec et Montréal. Voyons un peu certaines bribes de l’histoire de la Poste.

Situé dans le cœur de la ville ou du village, le bureau de poste offrait un excellent lieu de rencontre, surtout aux heures d’arrivée du courrier ; en plus des potins de l’heure, on guettait parfois le comportement de ses concitoyens.

Les maîtres et maîtresses de poste consciencieux ont percé et gardé bien des secrets. Pour les jeunes, c’était un passe-temps populaire que de se pointer à la gare pour voir les sacs de courrier récupérés par le postillon qui les transportait ensuite avec des véhicules appropriés selon les saisons. On pouvait aussi apporter directement à la gare une lettre dont on ne tenait pas à faire connaître la destination dans son milieu. Mais avant que l’on puisse, en toute simplicité, aller déposer son courrier et le retirer du bureau de poste local, l’histoire des Postes et de l’acheminement du courrier ont connu des transformations majeures.

Image de l'ancien bureau de posteLe besoin d’un moyen sûr de faire parvenir le courrier à destination préoccupe les hommes depuis des temps immémoriaux. Déjà, il y a plus de 4 000 ans, les Perses connaissent le moyen de livrer leur courrier en toute discrétion. En effet, ils ont imaginé des tablettes d’argile contenues dans une enveloppe, dont l’adresse du destinataire est inscrite sur le dessus. Pour leur part, 2 000 ans avant Jésus-Christ, les Égyptiens ont mis en service un système postal. La Chine, environ 1 000 ans plus tard, fait de même. Et les Romains livrent leur courrier dans tout l’Empire au moyen de chars spéciaux. En France, Louis XI édicte, le 19 juin 1464, que toutes les postes privées seraient désormais affaire d’État. Pour ce faire, il établit un système de relais à travers le royaume. Il s’arroge cependant le droit de lire la correspondance quand il le jugera à propos et d’en interdire la livraison si cela nuit à l’intérêt public.

Au début de la colonie, les habitants de la Nouvelle-France qui entretiennent une correspondance avec la mère patrie voient leur courrier acheminé par bateau entre le port de Québec et celui de La Rochelle, d’où il est distribué sur le territoire français selon le tarif en cours. Alors que la liaison Québec-Montréal s’effectue par canot sur le Saint-Laurent, le premier courrier régulier entre les deux villes est établi en 1734.

En 1755, Halifax est doté du premier bureau de poste au pays. Après la Conquête, on confie à Benjamin Franklin, alors Maître général des Postes de l’Amérique britannique du Nord, le soin de développer l’ensemble du service postal sur le territoire de la colonie. En 1763, on assiste à l’ouverture d’un bureau de poste à Québec ; d’autres seront successivement mis en opération à Trois-Rivières et à Montréal alors qu’un réseau de communication est établi entre Montréal et New-York de façon à assurer la correspondance avec les paquebots ralliant l’Angleterre. En 1849, une loi du Parlement de Londres cède aux législatures coloniales du Canada le droit de diriger leur service postal et d’en consacrer les recettes à son fonctionnement. 

Avant l’arrivée du timbre-poste, le destinataire doit acquitter des frais lors de la livraison d’une lettre, s’il désire en prendre possession. Souvent, la personne jette un coup d’œil sur l’enveloppe, puis la remet au livreur, prétextant qu’elle ne peut payer les frais postaux élevés. L’expéditeur a inséré un code prédéterminé dans l’adresse, afin que son message soit acheminé gratuitement. Le timbre gommé, servant à assurer que l’envoi est payé par l’expéditeur, est l’œuvre de Sir Rowland Hill, et il fait son apparition en Grande-Bretagne en 1840. Les États-Unis adoptent le timbre gommé en 1847, quatre ans avant les colonies britanniques d’Amérique du Nord. Entre-temps, les frais postaux des envois depuis le Canada vers les États-Unis doivent être acquittés en espèces jusqu’à la frontière. Par la suite, les lettres doivent arborer un timbre américain pour couvrir les frais associés à la distance restante.

En 1851, les colonies britanniques nord-américaines établies dans le Haut et le Bas Canada émettent leur premier timbre : le fameux Three pence Beaver, dessiné par Sir Sanford Flemming, un ingénieur d’origine écossaise, celui-là même qui établit les zones horaires maintenant utilisées à travers le monde. Un fait est à noter : ce fameux Castor de trois pence devient le premier timbre du monde à représenter un animal.

L’adoption, en 1854, du système de tri par la poste ambulante ferroviaire contribue à réduire les délais d’acheminement du courrier. Cependant, depuis 1840, le ministère des bureaux de poste verse au Champlain and Saint-Lawrence Railroad, £52 pour le transport quotidien des sacs postaux scellés. L'an 1859 marque l’institution de la poste aux colis et, cette même année voit l’installation dans les rues de Toronto, des premières boîtes aux lettres au Canada. Le 1er avril 1860, c’est au tour de Montréal de recevoir ses premières boîtes aux lettres.

Avec l’arrivée du gouvernement fédéral, en 1867, le Canada hérite de l’entière juridiction de tous les services postaux des provinces. On institue, en 1874, le premier service gratuit de distribution par facteurs à Montréal.

À partir de 1908 le système de livraison de la poste rurale a contribué à briser l’isolement des gens qui habitaient loin des villes et des villages. Les députés du parti au pouvoir intervenaient souvent dans les nominations des titulaires de routes de malle et même quelques maîtres de poste comprirent bientôt qu’il valait mieux être du bon bord.

Le premier vol postal officiel a eu lieu entre Montréal et Toronto en 1918, à bord d’un biplan Curtiss JN-4 Canuck, bien que le service postal aérien régulier ne débute que dix ans plus tard. En 1971, les Postes abandonnent le service de la poste ambulante ferroviaire. 

Au tournant du siècle, les bureaux de poste urbains affichaient une architecture imposante inspirée des grands styles du Moyen-Âge et qui, souvent, mariait la brique et la pierre de taille. À Saint-Hyacinthe, il y eut des bureaux de postes à au moins trois endroits différents, et ce, jusqu’en 1890 alors que l’imposant bureau de poste en pierre de taille de la rue Girouard est construit. Ce bureau de poste sera en service jusqu’en 1962, alors que l’on construira l’édifice actuel qui loge le bureau de poste maskoutain. Saint-Hyacinthe a longtemps été dotée d'un bureau des douanes. En effet, l'édifice voisin de l'ancien bureau de poste a logé ce service de 1903 à 1962, alors que les douanes ont aménagé dans le nouvel établissement toujours sur la rue Girouard.  Le service de facteur urbain à Saint-Hyacinthe remonte à 1948, alors qu’en 1953, on instaurait le service de ramassage et de livraison des colis et des lettres au moyen de boîtes installées aux endroits stratégiques.

Dans la région, plus précisément à Acton Vale, l’établissement du premier bureau de poste a lieu le 6 janvier 1852. Sans doute situé à l’intérieur de la gare, il portait le numéro 0004. C’est en 1904 que le député fédéral, monsieur Joseph-Edmond Marcil, dotait Acton Vale de ce bel édifice qui abrite depuis 1980, la Bibliothèque municipale et quelques organismes culturels. Ces beaux édifices étaient très nombreux autrefois, mais bien peu ont résisté aux ravages du temps et des hommes et c’est avec fierté que nous avons réussi à préserver le nôtre avec une vocation nouvelle. L’édifice moderne, qui l’a remplacé en 1975, n’a jamais présenté le même cachet et voilà qu’on lui substitue maintenant de mornes boîtes métalliques juchées sur de maigres piquets et qui ont l’air de s’ennuyer sur les coins de rues.

Les villages se contentaient de locaux plus simples, mais leur importance n’en était pas diminuée pour autant. On ne saura jamais la somme d’émotions que la jeunesse d’autrefois a déployées dans les lettres d’amour, objets d’attentes palpitantes, ou de noires déceptions. Au moins les cartes de bons vœux de Noël et de la Nouvelle Année ou encore les cartes postales de la Saint-Valentin procuraient un agrément moins dramatique. L’art épistolaire se meurt dit-on, mais les humains sentiront toujours le besoin de s’exprimer et de communiquer. Fax, courrier électronique, internet et quoi encore sont déjà les moyens par excellence, mais ils ne nous rendront jamais le plaisir de rencontrer nos voisins au bureau de poste pour échanger les dernières nouvelles ou de tenir une enveloppe colorée ou ornée d’un timbre à la fois décoratif et instructif.

Illustration:
Bureau de poste de Saint-Hyacinthe vers 1930. 
Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, CH393 Collection Hélène Nichols.