Le pont Morison

Au début du XIXe siècle le protonotaire, Joseph Roy écrit dans ses Notes sur la cité de Saint-Hyacinthe,  « Il y avait à l’extrémité de la rue Saint-Simon une traverse, qui servait à ceux qui allaient se chercher de la chaux à Saint-Dominique. Cette traverse était tenue par un nommé Bélair”.

Toujours selon le protonotaire Roy, il y eut aussi un pont à péage érigé sur des chevalets que l’on démontait l’automne venu, pour le remonter au printemps après la période des hautes eaux. Ce pont se trouvait au bout de la rue Saint-Michel, (devenue avenue Robert) et avait été construit entre 1810-1812 par un contracteur du nom de Blanchard.

Dans son Histoire de la ville de Saint-Hyacinthe cependant, Mgr Charles-Philippe Choquette écrit « la tradition conserve le souvenir d’un pont volant construit à Saint-Hyacinthe vers 1812 par Jean Germain ». Il s'agit sans doute, du même pont qui dura jusqu’en 1818. Il ne m’est pas possible de tirer la chose au clair, quant à son constructeur.

Le lecteur aura remarqué que le site retenu pour la construction du pont sur chevalets de la rue Saint-Michel est précisément l’endroit où les deux rives sont les plus rapprochées. C’est justement entre les deux que fut érigé un pont fixe dit « pont du Centre » qui reliait le village de Saint-Hyacinthe par la rue Concorde à la rive sud de l’Yamaska en 1818.

À l’origine ce pont n’était pas couvert. Des gravures en 1881 et des photos en 1910 nous le montrent couvert pour les trois-quarts de sa longueur, seule son extrémité nord ne l’étant pas.

Au moment de son décès, en 1909, l’avocat Lewis Francis Morison qui fut maire de Saint-Hyacinthe (1880-82) était le propriétaire du pont. Lors d’une vente à l’enchère, le 22 mars 1910, le pont fut octroyé par le shérif à la veuve Morison pour la somme de $8,500.00. La somme n’ayant pas été versée, le pont fut revendu pour $7,000.00 à Arthur Flibotte et aux frères Ulric et Olivier Jacques médecins le 17 mai de la même année. Arthur Flibotte et Olivier Jacques se départirent de leurs intérêts dans le pont en faveur de Joseph Lambert de Saint-Guillaume, quelques jours à peine après s’en être portés acquéreurs.

Un rapport préparé par Louis-A. Vallée ingénieur, le 15 mai 1908, disait du pont Morison « ce pont dans son ensemble n’offre plus la garantie voulue de solidité pour le trafic de l’endroit. Le site actuel convient parfaitement pour l’établissement d’un pont de deux travées libre de superstructure métallique de 207 pieds, qui pourrait reposer sur deux culées (il s’agit de ces deux massifs en béton formant l’appui du pont sur chacune des rives) et un pilier en maçonnerie d’une hauteur de 28 à 30 pieds ayant pour base une fondation de roc solide, le coût approximatif serait de l’ordre de $26,000.00, et la travée actuelle en fer de qualité très inférieure pourrait être démolie et utilisée dans une autre partie de la province où la circulation est moins importante (sic) ».

L’entretien du pont ayant été longtemps négligé, les nouveaux propriétaires en 1910 entreprirent des travaux de réfection. Jugeant sans doute ces réparations insuffisantes pour le rendre pleinement sécuritaire la cité de Saint-Hyacinthe et les municipalités impliquées nommément les villages de La Providence et Saint-Joseph ainsi que la paroisse Notre-Dame en confièrent la reconstruction à la Cie. Galbraight et Côté et c’est en 1913 que la  Cie Dominion Bridge de Lachine érigea la structure en acier que l’on s’apprête à démolir (en 1994).

Sa reconstruction achevée, le pont Morison fut ouvert à la circulation à la mi avril 1914. Il avait une longueur totale de 425 pieds, une largeur de 28 pieds et une hauteur de 29 pieds, avec une passerelle de 4 pieds de chaque côté pour les piétons.

Le vieux pont Morison, lors de son achat par la ville en 1912, avait coûté $14,231.60. La maison du gardien sise sur la rue Concorde fut par la suite vendue à l’encan le 26 mai 1913, la ville conservant le fonds de terrain.

Les coûts pour l’achat, les frais accessoires, de reconstruction, d’entretien, les frais possibles résultant d’accidents étaient supportés comme suit: cinquante pour cent par la cité de Saint-Hyacinthe, vingt-cinq, quinze et dix pour cent respectivement par les villages de La Providence, Saint-Joseph et le conseil de la paroisse Notre-Dame.

Le pont du Centre vieux de plus de 175 ans a subi au cours de sa longue histoire plusieurs modifications majeures. Il porta plusieurs noms, comme le pont du Milieu, le pont l’Hérault ou l’Heureux et enfin Morison. Il arrive encore aujourd’hui à nos concitoyens plus âgés de la désigner comme étant le pont de la Concorde ou de la rue Concorde.

Illustration:
Le pont du milieu ou pont du centre vers 1910. Remarquez qu'il est couvert sur une grande partie de sa surface.

Ce texte de monsieur Raoul Bergeron fut publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 7 juin 1994.