La Commission des liqueurs (ancêtre de la Société des Alcools – SAQ) est officiellement créée en février 1921. Le rôle de la Commission est de gérer et contrôler le commerce des vins et spiritueux, en plus d’émettre des licences pour les propriétaires d’hôtel ou de restaurant qui désirent servir de l’alcool. À partir du 1er mai de la même année, la nouvelle créature de l’État québécois engage quelques 415 employés répartis dans 64 magasins à travers la province.
Des débuts nébuleux
Avant même que la loi créant la Commission soit adoptée, une sorte de flou s’installe autour de son application, comme en fait foi cet extrait d’une lettre de Québec publiée dans l’édition du Courrier de Saint-Hyacinthe du 12 février 2021 : « Nous avons enfin sous les yeux le texte de ce projet de loi qui confère au gouvernement de la province de Québec le monopole exclusif du commerce des liqueurs alcooliques. C’est un énorme document dont l’étude demande un très long temps et une grande érudition de légiste pour être compris comme il faut ».
Le matin du 2 mai 1921, au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi, les hôteliers maskoutains n’avaient toujours pas reçu leurs licences permettant la vente de bière. Dans Le Clairon du 6 mai, on peut ainsi lire que : « chaque hôtelier se demandait s’il devait ouvrir quand même ou laisser ses portes fermées ». Ils reçurent finalement des mains du facteur les licences tant attendues.
Pour remédier à la situation, dans les semaines et mois qui suivent, les autorités de la Commission des liqueurs publient dans les journaux locaux des annonces visant à clarifier la loi des liqueurs. Voici quelques extraits de ces annonces :
Hôtels et tavernes
Aucune liqueur forte ne peut être vendue dans un hôtel. Les permis pour tavernes ne peuvent être accordés que dans les villes et cités. Les consommateurs ne peuvent être servis au comptoir. Le bar est aboli. La musique, la danse, le chant et les jeux sont défendus.
Épiceries et commerces
Les épiceries et magasins ayant obtenu un permis de la Commission peuvent vendre des bières pourvu que la quantité vendue ne soit pas moindre d’une bouteille à la fois. Ils ne peuvent vendre aucune liqueur forte.
Hôpitaux et pharmacie
Les médecins, chirurgiens, chirurgien-dentiste, médecins-vétérinaires peuvent acheter des alcools en plus grande quantité qu’une bouteille et de s’en servir pour des fins de dissolution ou de stérilisation dans sa propre pratique, ou dans une préparation pour traitement externe qu’elle donne elle-même, et d’acheter du brandy ou du Guildive (rhum) pour usage dans les compositions de ses remèdes. Les pharmaciens bénéficient de l’exception d’acheter des liqueurs alcooliques en plus grande quantité qu’une bouteille pour ses préparations médicinales, officinales ou pharmaceutiques.
Contrevenants à la Loi
Malgré toutes ces avertissements, plusieurs font fi de la nouvelle loi et tentent de la contourner. Hector Lapierre, d’Upton, est le premier cas de saisie de boisson dans la région. Pour en apprendre davantage sur l’événement, nous vous invitons à porter une attention particulière à la chronique de Jimy Pelletier du 22 juillet prochain dans notre infolettre sous la rubrique Bribes du passé.
Sur le territoire de la Ville de Saint-Hyacinthe, la première arrestation à survenir, après l’ouverture du magasin de la Commission des liqueurs, eu lieu le 6 août 1921. Il s’agit d’un certain Alfred Barbeau, arrêté pour vente de boisson sans licence, libéré sous caution jusqu’à son procès le 12 août et condamné à un mois de prison. Cette même journée au palais de justice de Saint-Hyacinthe, Wilfrid Plouffe plaide coupable et paye l’amende liée à son arrestation pour possession d’un alambic et des liqueurs en états de fermentation.
En somme, il faut rappeler que l’instauration d’un monopole d’état sur la gestion des boissons alcoolisées est une exception en Amérique du Nord. Pour bien saisir l’origine de la mise en place de la Commission des liqueurs, nous vous invitons à consulter l'article suivant : L’alcool et ses débats, portant sur le référendum maskoutain sur la prohibition de 1916.
Vincent Bernard, historien-archiviste
Juin 2021
Photographie
Intérieur de l'Hôtel Ottawa vers les années 1920. Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, CH085 Studio B.J. Hébert.