Par Raoul Bergeron
Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 13 octobre 1992.
Il y aura cent-deux ans le 14 octobre 1992, l’honorable Hector-L. Langevin, ministre fédéral des Travaux Publics, procédait dans notre ville à la pose de la pierre angulaire du Bureau de Poste à l’angle des rues Girouard et Saint-Joseph, (depuis désaffectée quant à sa vocation originelle).
Dans la cavité de cette pierre qui se trouve dans le coin Est de la bâtisse, l’on déposa un bocal de verre dans lequel se trouvent différents objets qui serviraient à faire connaître aux générations à venir l’état des mœurs, des arts, de la science, des conditions et façons de vivre de l’époque.
Une foule considérable et de nombreuses personnalités assistaient à cette cérémonie présidée par le maire Georges-Casimir Dessaulles. Cette cérémonie fut suivie d’un dîner à l’Hôtel de Ville (en haut du Marché Centre) pour une cinquantaine de dignitaires. Une chose qui me paraît curieuse cependant, c’est l’absence des autorités religieuses de quelque confession que ce soit. Une question de protocole ? L’honorable Langevin se rend toutefois, au Palais épiscopal pour y saluer monseigneur Louis-Zéphirin Moreau; de même il est reçu par le supérieur du Séminaire monsieur le chanoine Rémy Ouellette.
S’il nous était donné d’avoir accès à ce bocal déposé dans la pierre angulaire, voici ce que nous y trouverions : une copie du Courrier, de L’Union, La Tribune et de L’Artisan, tous des journaux publiés à Saint-Hyacinthe. Aussi, les quotidiens à grands tirage tels, The Empire of Toronto, The Montreal Daily Star et La Gazette de Montréal, des documents donnant les noms des membres du Conseil municipal, des entrepreneurs et surveillants du chantier; une copie du Saint-Hyacinthe Illustré, les noms des membres du Corps de Police, de la Cour du Recorder, du Département du Service des Incendies, du Conseil d’Hygiène.
Apparaissent également le nom des provinces de la Confédération, du Gouverneur Général, du Lieutenant Gouverneur de la Province, des premiers ministres du Canada et du Québec, le Sceau de la Corporation municipale, les États financiers de la Ville, une mention sur les ponts, aqueduc, usines à gaz et à électricité, une pièce de monnaie canadienne de 1890 et… un cent américain!
Mais voici la trouvaille. À l’item #16 de cette longue liste, la question suivante est posée : “Qui a-t-il de réservé aux Canadiens, une Fédération impériale, l’Indépendance, ou l’Annexion aux États-Unis ? Une question, avouons-le, toujours brûlante d’actualité.
Nous pourrions nous demander pourquoi cette question il y a plus de cent ans. Afin de pouvoir tenter une explication, il est nécessaire, je pense, de se placer dans le contexte de la fin du XIXe siècle alors que le régime confédératif était en place depuis à peine vingt-trois ans et plusieurs des tenants et des opposants à cette nouvelle forme de gouvernement étaient encore vivants et politiquement engagés.
Pour plusieurs le nouveau régime deviendrait tôt ou tard fatal au Québec qui serait soit assimilé par l’élément anglo-saxon ou encore deviendrait quelque chose de semblable au “melting pot américain”.
Honoré Mercier qui s’était toujours opposé au Pacte confédératif fut premier ministre du Québec et député du comté de Saint-Hyacinthe de 1879 à 1890; il pratiqua une politique autonomiste. Il avait un jour lancé cette phrase célèbre : “Cessons nos luttes fratricides. Unissons-nous”.
Cette phrase fut pendant de nombreuses années le leitmotiv du Courrier de Saint-Hyacinthe et apparaissait sur la page frontispice du plus ancien hebdomadaire français du Canada.
Il n’entre pas dans le cadre de cette chronique d’essayer d’établir une analogie strictement politique avec le débat référendaire actuel. Je laisse à l’intelligence et au bon jugement de ceux et celles qui me font l’honneur de me lire de poursuivre leur réflexion à ce sujet.
Ce qui se passe présentement illustre bien la pensée du grand ethnologue français Lévi-Strauss qui disait un jour que “l’on se sert de l’Histoire pour comprendre le passé, pour interpréter le présent mais aussi pour façonner l’avenir”.
Photo:
Une vue de la rue Girouard à la hauteur de l’ancien Bureau de Poste. Le bâtiment voisin, comme chacun le sait, est l’ex-édifice des Douanes. Carte postale éditée [vers 1932] par le Restaurant Bijou, Georges Fouriezos, prop. Saint-Hyacinthe, Qué.
Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe.