Par Albert Rémillard
D'où vient la tradition de l'Action de grâce ? Dans les faits, un peu partout dans le monde, on fête la saison des récoltes. Les dates et les coutumes diffèrent cependant d'un pays à l'autre.
La fête de l'Action de grâce remonte à la nuit des temps. C'était la fête de la Terre-Mère: féconde, abondante, généreuse – la fête de l’automne.
Dans presque toutes les traditions, c'est une déesse qui a donné l'aliment de base aux hommes. Dans la tradition hellène, c'est Cérès, la déesse de l'Agriculture qui donna le blé aux hommes. L'épi de blé est aussi l'attribut de la déesse de l'Abondance et de la Charité qui distribue à profusion les épis et toutes les nourritures qu'ils symbolisent. Dans la grande tradition amérindienne, l’épi de maïs représente le pouvoir surnaturel qui habite la Terre-Mère d’où provient la nourriture nécessaire à la vie. Chez les Sumériens, la vigne était consacrée aux Grandes Déesses : arbre sacré, sinon divin, elle permet d’obtenir le vin, lui-même boisson des dieux.
Thanksgiving, ou Action de grâce est une fête célébrée au Canada le second lundi d'octobre et aux États-Unis le quatrième jeudi de novembre.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la tradition canadienne de l'Action de Grâce ne vient pas des États-Unis. Elle date de 1576, année où un explorateur anglais, Martin Frobisher, est arrivé en Amérique du Nord en cherchant la route vers l'Orient. Il a tenté en vain de trouver de l'or et d'établir une nouvelle colonie. Malgré ses nombreux échecs, il a tout de même célébré la première fête de l'Action de Grâce au pays, 45 ans avant les Pilgrims...
La signification canadienne
Proclamé « journée entièrement consacrée à rendre grâce à Dieu tout-puissant pour tous les bienfaits qu'il a prodigués au Canada », le jour d'Action de grâce tient son origine de trois traditions : les fêtes de la moisson dans les sociétés paysannes européennes, dont le symbole est la corne d'abondance ; les observances formelles, comme celle de Martin Frobisher dans l'est de l'Arctique en 1578 ; la célébration organisée par les pèlerins du Massachusetts (1621) à la fin de la première moisson.
Dans les années 1750, la fête se transporte en Nouvelle-Écosse et les citoyens d'Halifax commémorent la fin de la Guerre de sept ans (1763) par une journée d'Action de grâce. Les loyalistes introduisent la fête dans d'autres régions du pays. En 1879, le Parlement proclame le 6 novembre jour d'Action de grâce. Il s'agit dès lors d'une fête nationale plutôt que religieuse.
Après la Première Guerre mondiale, le jour d'Action de grâce et le jour de l'Armistice, plus tard le jour du Souvenir, sont célébrés la même semaine. Ce n'est que le 31 janvier 1957 que le Parlement proclame le deuxième lundi d'octobre jour d'Action de grâce.
La signification américaine
L'origine de l'Action de grâce remonte aux pèlerins qui ont navigué vers l'Amérique sur le Mayflower le 11 décembre 1620. Dès leur arrivée, ils ont eu la vie dure à cause des températures froides, qui ont entraîné la mort de 46 personnes parmi les 102 qui étaient arrivées sur le Mayflower. Grâce à l'aide des Amérindiens, ils ont réussi à avoir une récolte prospère en 1621. Les colons qui avaient survécu ont décidé de célébrer cette récolte en organisant une grande fête, à laquelle ils ont invité les 91 Amérindiens qui leur avaient enseigné comment survivre à leur première année.
L'histoire de l'Action de grâce ne s'arrête pas là ; on ne l'a pas célébrée chaque année par la suite. En fait, l'Action de grâce n'a été reconnue jour férié que beaucoup plus tard soit en 1863, quand le président Lincoln déclara que le dernier jeudi du mois de novembre serait un jour de remerciements et d'éloges à Dieu.
Et la dinde alors ?
Le repas de « Thanksgiving » est traditionnellement composé d'une dinde. On raconte qu’à l’occasion de la première de fête de l’Action de grâce, en 1621, 140 personnes – des Européens qui venaient s’établir en Amérique et des Indiens – ont festoyé pendant trois jours. Qu'ont-ils mangé ? Hé oui…De la dinde ! Cet animal d'ailleurs mal nommé par Christophe Colomb qui prit l’oiseau pour une pintade..
En fait, il existait déjà des « poulles d’Ynde » au moyen âge, mais elles désignaient des pintades, par « Ynde » il était fait référence à l’Abyssinie, où la pintade vivait à l’état sauvage. Quand Christophe Colomb débarqua au Mexique, en croyant arriver aux Indes, il y découvrit le dindon auquel s’appliqua désormais le terme de « poule d’Inde ». Le mot changea donc de sens : il ne désigna plus la pintade mais le dindon, et la dinde prit place sur les tables d’Europe dès la première moitié du 16e siècle.
Que la dinde soit associée à l’Action de grâce, fête de l’abondance, n’est peut-être pas un hasard, car pour les Amérindiens elle est un symbole à la fois de puissance virile et de fécondité maternelle !
Photo :
The First Thanksgiving par Jean-Louis Gerome Ferris. (1863-1930).