En septembre 2021, la Ville de Saint-Hyacinthe adoptait un règlement de citation visant à protéger l'église Notre-Dame du Rosaire. Pour l'occasion, nous vous proposons une série d'articles sur son histoire rédigés par Jules-Antonin Plourde en 1977.
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Par Jules-Antonin Plourde
Article paru dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 7 septembre 1977.
‘Je suis l’aïeule des cloches maskoutaines’. Ainsi commence le texte d’une plaque commémorative qui vient d’être apposée à un monument que les Dominicains viennent d’édifier auprès de leur église. De quoi s’agit-il? Il s’agit de rendre hommage à l’antique cloche paroissiale, et à travers elle, à tous ces fidèles ancêtre qui vécurent leur foi dans la région de Saint-Hyacinthe.
L’année 1977 marque en effet le bicentenaire de l’ouverture de la paroisse-mère de Saint-Hyacinthe. C’est en 1777, le 14 décembre, par le baptême de Marguerite Jared, fille d’Antoine Jared dit Beauregard et de Marguerite Bérard, que s’ouvrent les registres de la paroisse, qui portait autrefois le nom de Saint-Hyacinthe (aujourd'hui, depuis l’érection du diocèse en 1852, celui de Notre-Dame du Rosaire). À la vérité, on pourrait dire que l’érection canonique de la paroisse ne remonte qu’au 2 juin 1832. Cela est vrai, mais il faut comprendre la situation d’alors qui était d’ailleurs généralisée. Depuis la conquête de 1763, le gouverneur anglais s’était arrogé le droit de créer les paroisses et de nommer les curés. Comme cela venait en opposition à la tradition catholique romaine, l’évêque de Québec s’abstint pendant plusieurs années de créer de nouvelles paroisses, pour éviter toute collusion avec le pouvoir établi. Cependant, il nommait quand même des curés pour desservir différentes communautés chrétiennes. C’est ainsi qu’en 1777, il nommait le curé de Beloeil, messire Antoine Noiseux, responsable de la desserte de Saint-Hyacinthe. On peut dire, puisqu’il en ouvrit les registres, qu’il est le premier curé de Saint-Hyacinthe. Son successeur, messire Guillaume Durouvray, en devenant curé résident, peut être considéré comme le premier curé de la seigneurie de Saint-Hyacinthe. Ainsi, pendant près d’un siècle (1777-1873), neuf curés séculiers desservirent la paroisse. Nous verrons, dans un prochain article, tout le travail qu’ils abattirent dans notre région.
Cette semaine, nous commençons une série de cinq articles, qui prépareront la population à célébrer, du 2 au 9 octobre prochains, les fêtes du bicentenaire de la paroisse-mère de Saint-Hyacinthe. Nous consacrons ce premier article à raconter l’odyssée de la vieille cloche paroissiale, la plus ancienne qui ait jamais sonné à Saint-Hyacinthe. Nous voulons ainsi couvrir un événement qui s’est déroulé la semaine dernière, et expliquer aux gens les travaux qui s’effectuent auprès de l’église Notre-Dame. En effet, la semaine dernière, M. Lucien Vanier effectuait le treuillage de la vénérable cloche, qui se trouvait sur le toit du séminaire depuis 1927. Le conseil du séminaire, à la demande des marguilliers de la paroisse, a fait la remise de la cloche à son église, pour souligner le bicentenaire. Tout auprès de cette église, un édicule est en voie de parachèvement, qui la recevra et la montrera au public, comme étant le plus ancien témoin de la foi de nos ancêtres. C’est M. Jean-Guy Brodeur, architecte, qui a dessiné le croquis du monument commémoratif. M. Guy Girouard en a été l’entrepreneur.
Mais racontons un peu l’odyssée de cette vénérable cloche. En 1783, le premier curé, messire François-Xavier Noiseux, n’avait pu convaincre ses paroissiens d’en acheter une pour l'église de bois qu’il leur avait fait construire, aux coins des rues Girouard et Bourdaqes. Son successeur, messire Durouvray, fut plus heureux. Il parvint à en acheter une pour 274 francs. Le 16 août 1784, en la fête de Saint-Hyacinthe, patron de l’église, on présida au baptême de cette cloche. Le curé Noiseux devint parrain de ladite cloche, avec la seigneuresse, veuve Hyacinthe Delorme, comme marraine... Cette cloche fut montée au clocher de la première église paroissiale (faite de bois); elle fut transférée au clocher de la première église de pierre bâtie en 1796 sur l’emplacement de I’actuelle, et elle continua à sonner ainsi jusqu’au jour de 1846, où une tornade jeta le clocher à terre, avec sa locataire. Elle y perdit de sa voix, et le curé Crevier dut aviser pour la faire refondre. C’est Pierre Soly, de Saint-Hyacinthe, qui la fondit en ses fourneaux. On la fit faire aussi grande à l’intérieur qu’elle l’était à I’extérieur. Si I’inscription gravée sur l’actuelle cloche exposée sur son monument cite le baptême qu’elle reçut le 21 mai 1846 par le curé Crevier, avec parrain et marraine Pierre Edouard Leclère et sa femme Josephte Castonguay, on peut toujours vénérer en elle l’antique cloche refondue.
Elle sonna sur l’église Crevier, puis enfin sur I’église Resther, l’actuelle, construite en 1961. Mais un jour, le 10 août 1879, une autre pensionnaire vint loger au clocher. Le curé dominicain Alvare Blanchard, ne prisant guère la voix fêlée de I’antique cloche, en fit fondre une à Lyon. C’est la grosse cloche actuelle, au son merveilleux, qui règne au clocher de Notre-Dame. Elle fut baptisée Notre-Dame du Rosaire, et porte en inscription; ‘L’ancienne France m’a envoyée, la nouvelle France m’a reçue: la fille chante d’accord avec sa mère ”. Quant à la vieille cloche, elle quitta Saint-Hyacinthe en 1890, remise par le curé Côté à la nouvelle paroisse de Saint-Thomas d’Aquin. Vers 1907, elle déménagea à nouveau, pour se retrouver finalement à Adamsville, jusqu’en 1927. Le séminaire, après le feu de cette époque, en fit I’acquisition pour sonner ses heures de prière. Cela fait donc 50 ans cette année que le séminaire logeait la vénérable cloche. Pour célébrer le bicentenaire de la paroisse, quel plus beau témoin que la vieille cloche paroissiale pour rappeler à toute la population l'histoire des anciens qui firent la communauté chrétienne de Saint-Hyacinthe!
Photo: Cloche Notre-Dame du Rosaire, 1977. Collection du Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, CH479.