Par Grégoire Girard
Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 4 novembre 2010.
Premier noyau villageois.
Une première mention du « Village de Saint-Joseph » dans un document officiel apparaît dans le procès-verbal de la deuxième séance du premier conseil de la municipalité de la Paroisse de Saint-Hyacinthe-le-Confesseur, le lundi 1er juillet 1861 : à cette réunion, le conseil décrit le découpage de son territoire en six arrondissements pour les fins d’administration publique et précise que « l’arrondissement numéro un comprendra tous les chemins ou rues du village Saint-Joseph…. ».
Avec la création des paroisses religieuses dans la première moitié du XIXe siècle sur le territoire de la Seigneurie de Saint-Hyacinthe, des agglomérations d’habitations sont apparues autour des églises paroissiales; cependant d’autres motifs ont présidé à la formation de groupes de résidences : à Saint-Joseph, notamment, il semble que c’est la présence d’un pont installé sur la rivière Yamaska afin de permettre la communication entre le « Village de la Cascade » et les fermes implantées du côté sud de la rivière.
À ce sujet, Monseigneur C.P. Choquette rapporte aux pages 392 et 393 de son ouvrage publié en 1930 sous les titre de Histoire de la Ville de Saint-Hyacinthe que : « La tradition conserve le souvenir d’un pont volant construit à Saint-Hyacinthe vers 1812, par M. Jean Germain dit Patin-Germain, père, je pense, de nos estimés contemporains MM. Johnny et Noël Germain. La loi exemptait du service militaire le propriétaire d’un pont ou d’un bac-passeur. Le pont de M. Germain, bâti sur chevalets, occupait à peu près la place du pont actuel de la rue Concorde. Les chevalets mis en place après les grandes eaux du printemps étaient enlevés à l’approche de l’hiver. Le pont fixe, paraissant sur une gravure de Saint-Hyacinthe datée de 1826 et que l’on voit sur une vignette de ce volume, fut probablement l’œuvre du même M. Germain qui, dans l’acte de mariage de sa fille, en 1822, est qualifié «menuisier, constructeur et propriétaire du premier pont jeté sur l’Yamaska». En 1837, l’unique pont de Saint-Hyacinthe était connu sous le nom de pont L’Hérault ou L’Heureux et appartenait à M. Charles L’Heureux qui fut mêlé, vers 1850, à toutes les transactions concernant les terrains de la rive sud depuis La Providence jusqu’à Saint-Joseph ».
À l’époque du « pont volant », vers 1812, il n’était pas encore question de former une corporation municipale pour l’administration d’un territoire rural ou urbanisé. Même quelques années plus tard, cette structure d’inspiration britannique ayant fait l’objet d’une recommandation dans le rapport de Lord Durham, à Londres, en 1840, était vue d’un œil soupçonneux par les Canadiens qui étaient d’avis qu’il s’agissait d’un moyen de les asservir à la Reine d’Angleterre.
Pendant 230 ans, l’autorité locale avait été limitée à la présence d’un capitaine de milice qui, auprès des habitants, exerçait des charges de la nature de celles des actuels inspecteurs municipaux. Ce fonctionnaire devait aussi assister le grand voyer pour obliger les habitants à fournir des journées de corvée aux fins d’entretenir les chemins et de construire des ponts. Les Canadiens étaient satisfaits de cette forme d’administration peu coûteuse.
La seule organisation locale où le peuple possède une voix, soulignait Lord Durham, ce sont les fabriques qui pourvoient à l’entretien et aux réparations des églises catholiques.
Lord Durham proposait donc de créer des organisations municipales élues par « les habitants tenant maison » avec des pouvoirs de règlementation pour la construction, l’amélioration et la surveillance des chemins, des ponts, pour l’établissement d’enclos publics pour le pacage du bétail, pour déterminer la suffisance de toutes clôtures, pour soutenir les personnes pauvres.
Cette recommandation de confier au peuple le contrôle de ses affaires locales était accompagnée d’un pouvoir de taxation qui faisait peur à tout le monde : la première réaction fut de percevoir la municipalité comme « une machine à taxer » que leur imposait le conquérant.
Pendant une quinzaine d’années, les lois et ordonnances se sont succédées pour tenter de former des corporations locales, des conseils de comté, d’organiser des élections. Les Canadiens français n’étaient pas habitués à cette forme de gouvernement local et choisirent de se conformer aux directives de l’Opposition qui étaient, à l’époque, d’opposer à ces lois, comme à l’Acte d’union, une force d’inertie, c’est-à-dire de ne rien faire.
Finalement, avec le passage du temps, les mentalités ont changé et la méfiance s’est estompée. À partir de la loi de 1855, l’institution est devenue un pouvoir exercé avec une satisfaction évidente par les élus locaux et largement acceptée par les contribuables en raison des services qui leur sont rendus et cela malgré les taxes dont ils se plaindront toujours abondamment.
Illustration:
Le village de Saint-Hyacinthe en 1837, dessin de P. Renaud-Blanchard. C.-P. Choquette. Histoire de la Ville de Saint-Hyacinthe, p. 133.
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