Maisons de la rue Girouard (9)
Maison F.-X.-A. Boisseau

Par France Labossière
Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 18 mars 2010.

Maison F.-X.-A. Boisseau
La maison située au 2715-2725 rue Girouard Ouest, fut érigée pour le notaire François-Xavier-Alphonse Boisseau, sur les terres appartenant autrefois au Séminaire. Monsieur Boisseau achète en 1887 de l’avocat Maurice St-Jacques, « un terrain sis et situé en la dite paroisse de St-Hyacinthe, de soixante pieds de front sur toute la profondeur qu’il peut y avoir depuis la rue Girouard jusqu’à la rivière Yamaska,…étant partie du lot 380. »

La maison sera construite entre 1887 et 1889 puisqu’un contrat d’emprunt notarié, en date du 22 janvier 1889, mentionne la présence de la maison : «…François Xavier Alphonse Boisseau  …reconnaît et s’oblige à payer…la somme de cinq cents piastres courant …le dit débiteur affecte & hypothèque un emplacement sis & situé en la dite cité de St-Hyacinthe …avec les bâtisses dessus érigées. »

L’imposante demeure d’allure sobre est coiffée d’un toit à deux versants agrémenté de consoles sous la corniche et de trois lucarnes-pignons en façade ornées de retombées pendantes et de modillons. Ces lucarnes, ainsi que les fenêtres de forme ogivale, sont de style néo-gothique. Par contre, la composition symétrique de l’ensemble par la position des cheminées et la distribution régulière des ouvertures en façade et sur les faces latérales, et l’utilisation de colonnes classiques soutenant un auvent surmonté d’un fronton tout aussi classique, en font un bâtiment d’esprit beaucoup plus néo-classique.

L’extérieur de la maison de bois recouverte de stuc avec portique en saillie, n’a pratiquement pas changé depuis 1950, comme en témoigne la photographie provenant des archives du Centre d’histoire. Les plans d’assurance consultés nous indiquent que certaines modifications mineures ont été effectuées entre 1916 et 1950 comme la construction du garage et la modification de la galerie ceinturant le bâtiment par l’ajout d’une tour d’angle circulaire. L’arrondi de cette galerie et du portique d’entrée en bardeaux de bois à motif d’écailles, a sans doute été introduit ultérieurement afin de briser la rigidité de la composition, sans pour autant altérer le cachet d’origine.

Il existe très peu d’informations au sujet du premier propriétaire de la maison, le notaire François-Xavier Boisseau. « Le Monde Illustré », une revue de 1901, montre en page 263 une photographie de monsieur Boisseau à titre de commissaire scolaire mais rien n’indique dans les documents consultés, qu’il ait été impliqué aux niveaux de la politique municipale, provinciale ou fédérale.

Son fils Armand Boisseau, également notaire et associé à son père ainsi qu’à Me René Morin, fut tristement plus célèbre. En effet, un article paru en 1922 et titré « Boisseau est condamné au pénitencier », relate les déboires de ce notable. Jean-Noël Dion en fait un résumé dans son livre « St-Hyacinthe, des vies, des siècles, une histoire » : « Il est accusé d’avoir détourné des fonds pour quelque 60,000 $ alors qu’il convertissait l’argent des épargnants qu’il recevait à son bureau de notaire, pour des fins personnelles. Il fut destitué de sa charge de notaire le 21 octobre 1922. Il fut emprisonné pendant quelques années. Son père, François-Xavier Boisseau, remboursa en un jour la plupart des lésés en signant de nombreux chèques au montant dû à chacun. »

François-Xavier Boisseau, qui était veuf de sa seconde épouse, décéda en 1923, l’année suivant la condamnation de son fils. Ce dernier fut déshérité, Maître François-Xavier Boisseau léguant ses biens « à ses deux filles Laura et Alice Boisseau… ses légataires résiduaires universelles. »

La succession vendit la maison en 1924 à « Madame Marie-Louise Dumont, épouse séparée de biens contractuellement de M.C. Albert Morin, industriel de la cité de St-Hyacinthe. » Ce dernier dirigeait, avec son frère Conrad, La Maison L.P. Morin Enrg., entreprise maskoutaine fondée en 1870 par leur père Louis-Paul Morin. Cette entreprise, spécialisée dans les travaux de construction, de menuiserie, et de fabrication de portes et fenêtres, fut impliquée dans des projets importants de construction à Saint-Hyacinthe soit au monastère des Dominicains, au Grand Hôtel, au séminaire et à la cathédrale, ainsi que dans d’autres projets ailleurs dans la province.

Monsieur L.P Morin avait pris son fils Albert en société en 1902 et cédé à ses deux fils tous ses intérêts dans la société en 1919, cinquante ans après sa fondation. Fait cocasse, un article paru le 17 mai 1919 dans le journal Le Courrier, consacré à l’entreprise et écrit par nul autre que le notaire Armand Boisseau, à titre de rédacteur en chef du journal, se termine ainsi : « Le Courrier de Saint-Hyacinthe est heureux de souhaiter une longue vie à M.L.P. Morin et de dire à ses deux fils : « Bonne chance et travaillez ferme comme votre père l’a fait ! » Si seulement il en avait fait autant à titre de notaire et mis en pratique ces judicieux conseils ! 

Monsieur Léo Perreault, figure maskoutaine connue, achètera la maison de monsieur Albert Morin en 1946.

Photos:
La maison F.X.A. Boisseau en 1950 et en 2007.
Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, CH116 Studio Lumière.
France Labossière.

Cet article est le neuvième d'une longue série.

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