Maisons de la rue Girouard (6)
Maison Trefflé Chalifoux

Par France Labossière
Publié dans le Courrier de Saint-Hyacinthe le 19 novembre 2009

La Maison Trefflé Chalifoux

L’article traitera d’une maison ayant appartenu à un industriel important de Saint-Hyacinthe : Monsieur Hubert Trefflé Chalifoux. Elle se situe à l’angle des rues Girouard et Choquette, sur un terrain qui, autrefois, appartenait au Séminaire de Saint-Hyacinthe.

En effet, le Séminaire possédait à l’Ouest de la ville, dans le quartier no 5, une terre, laquelle faute d’avoir été utilisée afin de construire le nouveau Séminaire, fut morcelée et vendue à partir de 1875 en parcelles de terrains. Le 31 mars 1877, un entrepreneur de la ville, monsieur Alphonse Denis, acquiert un de ces terrains, tel qu’indiqué au contrat notarié :« la Corporation du Séminaire de Saint-Hyacinthe d’Yamaska… a reconnu avoir vendu, cédé, quitté, transporté et délaissé… à Sieur Adolphe Denis, Mr entrepreneur de la cité de St-Hyacinthe… un emplacement sis et situé en la paroisse de St-Hyacinthe…tenant en front le chemin public… et de l’autre côté à la rue du Séminaire», la rue du Séminaire étant la rue Choquette aujourd’hui.

Monsieur Denis y construit dès lors une maison à deux logements qui prend preneur moins de cinq mois plus tard, soit le 8 août de la même année :«…Sieur Adolphe Denis, entrepreneur de la cité de St-Hyacinthe...a reconnu avoir vendu, cédé transporté et assuré à Sieur Trefflé Chalifoux commerçant de la cité de St-Hyacinthe...un terrain portant le numéro quinze dudit plan, avec maison et autres dépendances dessus construites….»

Monsieur Trefflé Chalifoux est un industriel qui possède, au tournant du XIXe siècle avec son père et fondateur Olivier Chalifoux, une entreprise prospère de fabrication de machinerie agricole connue sous le nom de O. Chalifoux & Fils Ltée. Inventeur, il obtient plusieurs brevets et une machine créée en 1885 remporte même une médaille à une exposition à Londres ! Au décès de son père en 1904, Monsieur Chalifoux prend en main la manufacture située sur la rue de la Bruère, dont les affaires continuent de progresser jusqu’à donner naissance à la compagnie Volcano.

En plus de travailler au sein de l’entreprise, Hubert Trefflé Chalifoux occupe au fil des ans diverses fonctions telles que directeur de la Southern Canada Power et président de la Compagnie de Gaz et d’Électricité. Il s’implique également à l’Association des Manufacturiers du Canada et de la Chambre de Commerce de Montréal et est chargé, en 1889, de l’organisation de l’École industrielle à Montréal, puis l’année suivante à Joliette. Monsieur Chalifoux se consacre aussi quelque temps à la politique municipale à titre d’échevin, de 1889 à 1892.

C’est donc au tout début de sa carrière, en 1877, que monsieur Chalifoux achète cette maison de la rue Girouard. Trois années plus tard, il épouse sa cousine Julie Hubertine Sentenne, de Montréal, à qui il fait don de la maison. En effet, le contrat de mariage, en date du 27 janvier 1880, stipule : «…En considération du dit futur mariage, le futur époux fait donation à la future épouse, acceptant, de l’immeuble ci-après décrit qu’il possède par bons titres, savoir : un emplacement…borné en front par le chemin public…l’autre côté par la rue du Séminaire avec une maison à deux logements et autres dépendances y érigées, étant connu sous le numéro quinze au plan fait par P. Renaud Blanchard arpenteur, duquel immeuble la future épouse devient présentement propriétaire à toutes fins de droit.» Hubertine et Trefflé Chalifoux habiteront la maison durant une trentaine d’années, comme le confirment les bottins de la ville. Au décès de Trefflé Hubert Chalifoux en 1918, son épouse continuera d’habiter la demeure avant de la céder à son tour, à son décès en 1928, à sa fille Èva.

Une photographie ancienne du début du XXe siècle provenant du Fonds Studio B.J. Hébert, nous permet de constater que la maison de forme rectangulaire possède encore aujourd’hui une apparence très semblable à celle d’autrefois. On reconnaît très bien la galerie en façade sur deux niveaux, dont les garde-corps ont été modifiés. La maison qui présente une distribution ordonnée des ouvertures simplement encadrées, est coiffée d’une fausse mansarde, c’est-à-dire d’un toit plat qui en façade prend la forme d’un toit mansard, élément distinctif du style Second-Empire.

Cette construction à ossature de bois recouverte de stuc présente une volumétrie peu complexe et dénote une sobriété certaine dans le traitement de ses surfaces. La tour d’angle qui se dresse au coin des rues Girouard et Choquette et qui possède un toit en poivrière, est décorée de petits frontons classiques et d’un balconnet orné de fer ornemental, élément caractéristique de la Renaissance italienne. L’utilisation d’éléments de styles variés et d’époques différentes ainsi que la présence d’une tour et de lucarnes, contribuent à former un ensemble de facture éclectique à l’allure châteauesque, style populaire à la fin du XIXe siècle. 

Photos:
Maison Chalifoux située au 2680-2690, rue Girouard Ouest.
Vers 1910:
Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe CH085 Studio B.J. Hébert.
France Labossière 2009.

Cet article est le sixième d'une longue série.

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