Par France Labossière
Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 1er décembre 2011
Maison Euclide-Henri Richer
La maison qui porte le numéro civique 2360-2370 rue Girouard Ouest fut bâtie en 1890 pour le libraire Euclide-Henri Richer. En effet, monsieur Richer achète le 31 décembre 1889 un terrain détaché d’un emplacement beaucoup plus vaste appartenant au marchand Noé Raymond. La vente est faite à condition de « bâtir à une distance d’au moins vingt-cinq pieds de la dite rue Girouard » et de « ne construire sur le terrain vendu aucune usine ou boutique à feu, vapeur, savonnerie, tannerie… ou autre établissement du même genre. » La maison est assurément érigée la même année puisqu’Euclide Richer contracte une hypothèque le 11 juillet 1890 pour laquelle il « s’oblige à faire assurer et tenir constamment assurée la maison érigée sur le dit terrain. »
Cette maison à deux logements est connue sous le nom de « Villa Falconio », du nom d’un délégué apostolique venu visiter Euclide-Henri Richer, fait chevalier de l’Ordre de Pie IX par le pape Léon XIII le 14 janvier 1896. Monsieur Richer avait en effet servi, de 1867 à 1870, dans le régiment des zouaves pontificaux après ses études au Séminaire de Saint-Hyacinthe. C’est au retour de ce périple italien qu’il débute sa carrière dans le domaine du livre, en travaillant d’abord à la librairie Beauchemin à Montréal avant de fonder sa propre librairie à Saint-Hyacinthe en 1872.
En plus de diriger son commerce, monsieur Richer occupe les fonctions de conseiller municipal d’abord, de 1888 à 1898, de maire suppléant puis de maire de Saint-Hyacinthe, de 1898 à 1902. Son commerce prend le nom de « E.H. Richer et Fils enrg. » en 1914 alors que deux de ses fils, Jules et Paul, s’associent à lui. Paul devient l’unique propriétaire à partir de 1934, suite au décès de son frère Jules en 1932 et de son père le 15 janvier 1934. Ce dernier lègue, à titre particulier, sa résidence de la rue Girouard à un autre de ses fils, René, qui a plutôt embrassé la profession d’architecte et dont la carrière fructueuse a dernièrement fait l’objet du livre « René Richer architecte maskoutain. »
Le legs est fait, à condition cependant, de fournir le logement du bas à sa mère, sa vie durant. René occupe déjà le logement du haut qui est tour à tour habité par des membres de la famille Richer. En 1915, Juliette Richer, une des filles d’Euclide-Henri et son mari l’avocat Ernest Fontaine y demeurent tandis que les bottins municipaux indiquent que René Richer y réside en 1927 et en 1941. Ce dernier conservera la propriété à titre locatif jusqu’en 1946, avant de quitter la ville pour Montréal où il y poursuit sa carrière et y réside. Monsieur Camille Mercure, industriel, achète la maison, puis le bijoutier Rolland Pothier et monsieur Napoléon Laplante en 1953 qui est gérant de « La Survivance Compagnie mutuelle d’assurance-vie » et qui l’aura en sa possession durant une vingtaine d’années.
La maison Richer est à première vue de style vernaculaire américain, un style très courant de la fin du XIXe siècle, caractérisé entre autres par la simplicité des formes et de l’ornementation. On le reconnaît ici par le volume rectangulaire de la maison de deux étages et demi dont le mur-pignon fait face à la rue. Coiffée d’un toit à deux versants à pente raide, la demeure possède de larges fenêtres à guillotine, un oriel montant de fond sur sa face Ouest, et un revêtement de déclin horizontal dont l’ornementation se limite aux planches cornières et aux chambranles des fenêtres. Elle est ceinturée d’une large galerie qui possède une balustrade de fer forgé qui n’est pas d’origine. Cette galerie a en effet été passablement modifiée au cours des ans, comme le témoigne une photographie ancienne qui date de 1908 et qui provient de l’album-photos personnel de René Richer.
Il y avait en effet autrefois une petite galerie protégée par un toit pyramidal décoré de petits frontons, qui reposait sur l’auvent de la galerie du rez-de-chaussée, superposée au petit portique d’entrée maintenant disparu. L’auvent était supporté par des poteaux tournés entourés d’aisseliers en forme de volutes et les pignons du toit étaient surmontés d’amortissements également disparus. Ces éléments décoratifs de bois de même que la composition d’origine, donnaient autrefois une allure plutôt néo Queen-Anne à la résidence. La maison Richer possède néanmoins aujourd’hui un cachet unique, ayant conservé sa volumétrie d’origine, mis à part l’ajout d’un volume en diagonale en façade, et constitue un témoin important du passé.
Photos:
Maison Richer, 1908. Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, CH516 René Richer.
France Labossière, 2006.
Cet article est le 22e d'une longue série.