Maison de la rue Girouard (18)
Maison Louis Tellier

Par France Labossière.
Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 27 janvier 2011

Maison Louis Tellier

L’immeuble à deux logements portant les numéros civiques 3068 et 3076 de la rue Girouard Ouest fut bâti pour un notable important de Saint-Hyacinthe : l’honorable juge Louis Tellier. Né à Berthierville en 1842, Me Tellier fait ses études classiques à Joliette et est admis au Barreau en 1866. Il pratique en société avec Me Louis-Victor Sicotte à partir de 1873 à Saint-Hyacinthe, occupe les postes de greffier et de député-pronotaire, puis fonde le cabinet « Tellier, de la Bruère et Beauchemin » en 1878. Il est nommé juge à la Cour supérieure du district de Saint-Hyacinthe en 1887 et pratique à Montréal à partir de 1903 tout en demeurant à Saint-Hyacinthe et ce jusqu’à sa retraite en 1915. En plus d’une carrière juridique florissante, Maître Tellier œuvre dans la vie politique, étant élu député conservateur à la chambre des Communes en 1878 contre Honoré Mercier. Il est défait en 1882 par Me Michel-Esdras Bernier.

La résidence de Maître Tellier fut érigée entre 1889 et 1904. En effet, ce dernier prend possession, le 16 juillet 1889, du résidu d’une terre appartenant au cultivateur Alfred Benoit, avec le projet d’y ériger une maison puisque le contrat de vente spécifie alors que l’acquéreur « aura le de droit d’avoir vues, fenêtres d’aspect, galeries, balcons ou autres semblables saillies sur l’héritage réservé par le dit Sr vendeur, mais pour avoir le bénéfice de cette clause il devra placer le solage de sa maison à au moins trois pieds de distances de la ligne Sud-Ouest du terrain réservé par le dit Sr vendeur... »

La maison est assurément bâtie en 1904 puisqu’elle figure au plan d’assurance de la ville à cette date, mais il est fort probable qu’elle ait été érigée plus tôt, soit vers 1894. En effet, Maître Tellier possédait à l’époque la maison Malhiot qu’il avait fait construire également sur la rue Girouard (voir Maisons de la rue Girouard - 3). Comme il cède cette dernière en 1894 à son fils unique né d’un premier mariage, il est logique que la maison Tellier soit alors habitable, d’autant plus que Me Tellier est remarié en secondes noces depuis 1882 avec une dame Hamel avec qui, selon Jean-Noël Dion, il aura neuf enfants. La maison qui nous intéresse répond sans aucun doute au besoin d’espace de cette famille.

La résidence à ossature de bois témoigne de l’éclectisme de la période victorienne de par la profusion d’éléments architecturaux d’inspirations diverses. Le style néo-Queen-Anne prédomine ici au niveau de la variété du traitement des volumes et des surfaces. Par contre, la forme cubique de la maison, la corniche à consoles et l’illusion d’un toit plat en façade à cause du terrasson du toit donnent une allure néo-italienne à la demeure. La disposition des ouvertures offre une composition plutôt classique, les portes, fenêtres et oriels montant de fond aux deux extrémités étant placés de façon symétrique par rapport au centre de la maison décoré d’un fronton-pignon à ressauts surmontant un oculus.

La maison possède un revêtement de bois à déclin horizontal et aux bardeaux à motif d’écailles de poisson qui entourent à l’étage supérieur les fenêtres à arc brisé au vocabulaire néo-gothique. De petites consoles supportent cet étage légèrement en porte-à-faux et une dentelle de bois court horizontalement entre les deux étages inférieurs en plus d’orner le fronton-pignon et le pignon à retombée pendante. Le couronnement des oriels, pignon du côté Est et toiture conique surmontée d’un épi du côté Ouest, vient personnaliser chacun des logements dont les portes d’entrée principale à impostes horizontales s’ouvrent sur une large galerie qui possède un auvent aux poteaux tournés servant de galerie au deuxième étage.

Le 6 décembre 1913, Me Tellier vend l’emplacement à monsieur Zotique Octave Duchesneau, un entrepreneur de Montréal duquel, bizarrement, il rachète la même propriété moins de cinq mois plus tard. Il en sera propriétaire durant plus de vingt ans, soit jusqu’à son décès le 17 juin 1935. C’est madame Blanche Morin, épouse de l’avocat Gaétan Sylvestre, qui achètera la maison de la succession, le 23 janvier 1936. Ces derniers effectueront plusieurs travaux puisqu’ils s’étaient prévalu du droit «.. de commencer des séparations dans les autres pièces de ce logement dès le 15 mars prochain, …L’acquéreur devra respecter le bail de M. E.J. Chartier jusqu’au 1er mai prochain…»

En effet, d’après le bottin de la ville de 1941, Me Sylvestre qui sera nommé juge de la Cour supérieure en 1957 occupe le logement Ouest, soit le 3076 tandis le locataire Ernest-Joseph Chartier occupe le logement Est, soit le 3068. Ce dernier, commerçant, directeur de « La Survivance » et propriétaire du journal « Le Courrier » fut une figure politique maskoutaine importante pour avoir siégé à titre de député de l’Union nationale de 1944 jusqu’à son décès en 1954.

Photo: France Labossière 2010.

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