Par Paul Foisy
Publié dans le Courrier de Saint-Hyacinthe le 9 mai 2007.
Aujourd’hui, dans ce monde où tout va vite, le citoyen peut choisir parmi une kyrielle d’activités afin d’occuper ses temps libres. Qu’il pratique un sport seul, en équipe ou en famille, ou encore, qu’il cherche à passer un bon moment au cinéma du coin, un nombre incalculable d’occupations s’offre à lui lorsque vient le temps de se récréer. Mais le choix du menu dans le domaine des loisirs à la carte n’as pas toujours été aussi exhaustif. Afin de mieux comprendre ce phénomène, je vous propose un regard tourné vers le passé, afin d’observer de quelle manière s’est façonné le développement des loisirs organisés dans la ville de Saint-Hyacinthe.
Le club, ennemi de la famille
Dans le Québec du milieu du XIXe siècle, les anglophones commencent à pratiquer certains sports. Le phénomène se développe autour de groupes de personnes qui s’unissent afin de former des clubs. Le club est une ancienne institution typiquement anglaise (qui) trouve sa force dans l’union de ses membres affirme Donald Guay, historien du sport. Ainsi, pendant de nombreuses années, la pratique des sports est réservée à une certaine élite protestante qui reproduit ici, les us et coutumes britanniques. Avec l’industrialisation et l’urbanisation de la société, les manifestations sportives prennent de l’ampleur. Au fil du temps, les Canadiens-français découvrent et s’intéressent peu à peu à ce champ d’activités. Tant et si bien que le clergé catholique y voit une certaine menace à l’intégrité de la culture canadienne-française.
Dans les grands centres et au sein de petites communautés comme Saint-Hyacinthe, de nombreux clubs voient le jour. À cette époque, les activités des clubs ne sont pas uniquement sportives, car elles ont également d’importantes fonctions socio-récréatives. Voyons ce qu’en dit un rédacteur de l’Opinion Publique au début des années 1880 : « Le club envahit notre société, fait la guerre aux salons, remplace les réunions de parents et d’amis. On laisse sa femme, ses enfants et ses amis pour aller au club perdre le produit du travail d’une semaine ou d’un mois. » Désormais, le club est un ennemi de la famille.
Le clergé réagit fortement à cette nouvelle influence et son attitude trouve ses sources dans la thèse de « l’idéologie de la survivance ». Ce discours visait essentiellement l’intégrité ethnique, linguistique et religieuse de la « race » comme on le disait à l’époque. Afin de lutter concrètement contre cette mauvaise influence, le clergé investit le domaine du loisir afin de propager ses idées, ses doctrines et ses façons de faire.
Une première œuvre :
le Patronage Saint-Vincent-de-Paul
À Saint-Hyacinthe, la petite histoire des loisirs organisés débute avec l’ouverture du Patronage en 1905. Situé sur la rue Girouard Ouest, sur le site actuel des Terrasses du Patro, cette œuvre d’action sociale a pour but l’éducation de la jeunesse par des activités parascolaires. Dès leur arrivée, en octobre 1905, trois membres de la Congrégation des Frères de Saint-Vincent-de-Paul, dont le frère Louis-Eugène Tremblay, accueillent quelques orphelins dans la « Maison de famille ». Ils fondent également le « Cercle Notre-Dame » pour les jeunes hommes de 18 à 22 ans. En 1906, on accueille une clientèle plus jeune, les 14-17 ans, avec la formation de l’association « Saint-Louis de Gonzague » ou « Dominique Savio ». En 1920, le frère Bédard prend la direction de la nouvelle section « Les Saint-Anges » pour les 8-14 ans. Enfin, comme le temps passe, les anciens se retrouvent dans « l’Association Saint-Joseph » en 1923.
Les activités sportives sont nombreuses au Patro, car on y pratique les sports en vogue tels le hockey et le baseball. En 1932, trois clubs forment la ligue de Gouret du Patronage. Quinze ans plus tard, en 1946-1947, quatre clubs forment cette ligue et plus de quatre cents jeunes s’inscrivent aux diverses activités. Parmi celles-ci, la baignade (depuis la construction de la piscine en 1930), la gymnastique, le gouret de salon, le football. La projection de films, les lanternes magiques, le billard et autres jeux d’intérieur sont autant d’occasions à la saine formation des garçons. Les jeunes maskoutains qui fréquentent le Patro peuvent aussi y pratiquer le théâtre, le chant et la musique. Une bibliothèque et une salle de lecture sont également aménagées.
Si l’âme du bâtiment demeure la chapelle, la salle de représentation et de gymnastique en est certainement le cœur. En effet, lors des nombreuses fêtes et occasions de toutes sortes, des centaines de citoyens s’y donnent rendez-vous afin d’assister à des soirées récréatives et musicales. Le financement de l’œuvre est pris en charge par les Dames du Patronage. Quelques jours à la fin de l’été, les Dames organisent une kermesse qui constitue, essentiellement, la principale source de revenus.
Photo:
En 1961, la fanfare pose fièrement devant les locaux du Patronage.
Collection Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, CH116.
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