Par Jules-Antonin Plourde
Article paru dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 21 septembre 1977.
Les deux siècles d’histoire religieuse de la paroisse de Saint-Hyacinthe se répartissent sur deux périodes presque égales d’un siècle chacune: la desserte par des curés séculiers ( 1777-1873) et la desserte par des religieux dominicains (1873 à nos jours). Durant la première période, neuf curés séculiers prirent en charge les intérêts spirituels de la paroisse. Passons-les rapidement en voyant les oeuvres qu'ils ont accomplies. Si celles-ci, que nous allons relever, sont d’ordre matériel, c’est qu’elles sont plus facilement discernables; qui dira l’action secrète et d’ordre spirituel accomplie par chacun d’eux?
1) François Noiseux (1777-1783) est le premier curé chargé de Saint-Hyacinthe. Il ne fut pas cependant curé résident, car il était curé de Saint-Mathieu de Beloeil. Il ouvrit les registres le 14 décembre 1777 par le baptême de Marguerite Jared. Il présida à l'élection du premier marguillier, le sieur Jean-Baptiste Benoît, dit Livernois. Il nomma le premier bedeau, Louis Beauregard. En 1778, il bénit le premier mariage, entre Augustin Galarneau et Thérèse Laroche. En 1780, on décida de la construction d'une chapelle de bois à La Cascade, puis d’un presbytère (1782).
2) Guillaume Durouvray (1783-1796) devint le premier curé résident. Son premier acte fut de légaliser le contrat de donation par les seigneurs de la terre du curé. Le 16 août 1783, il fit baptiser par le curé Noiseux la première cloche qui ait sonné à Saint-Hyacinthe, et à laquelle un monument commémoratif a été dressé près de I’actuelle église Notre-Dame du Rosaire. Elle avait le curé Noiseux pour parrain et la seigneuresse Delorme, pour marraine. En I 788, l'évêque de Québec vient confirmer 280 enfants. L'oeuvre importante du curé Durouvray fut la construction de la première église en pierres, sise à l'endroit même de l’actuelle.
3) Joseph Duchouquet (1796-1798). Ce curé ne fit que passer. Il présida à la bénédiction de l'église Resther, qui fut ouverte au culte pour la population qui s’accroissait. Quant à l’ancienne chapelle Noiseux, Mgr Choquette écrit qu’elle fut transportée sur la rue Saint-Dominique et transformée en maison de logement, en laquelle naquit en 1810 Joseph-Sabin Raymond.
4) Pierre Picard (1798-1805) s'aboucha avec Louis Quévillon, grand artisan canadien, pour parachever la décoration intérieure de la nouvelle église. Ce dernier réalisa une foule de belles choses, dont l’autel majeur et les deux autels latéraux. Ces derniers ont été donnés en 1931 à la paroisse de Saint-Joachim de Shefford, où ils se trouvent toujours. Le curé Picard se fit construire une grande maison, sur le terrain de l’actuel bureau de poste, maison appelée “Maison Picard ", et qui allait devenir le berceau d'une maison d’enseignement.
5) Antoine Girouard (1805-1832) fut le grand curé de Saint-Hyacinthe, tant par la durée de son terme que par l'abondance de ses oeuvres. Tout d'abord, pour alléger la lourde tâche du curé de Saint-Hyacinthe, il consentit à de nombreux démembrements de sa paroisse. Le premier, en date de 1806, fut La Présentation. Ensuite, il s’occupa activement d’éducation. Il fit ouvrir dès 1809 une classe dans la sacristie, fit débuter des classes latines dès 1811 (fondation de ce qui allait devenir le premier collège), se porta acquéreur de la Maison Picard, puis entreprit la construction d’un collège proprement dit, sur l'actuel terrain de l’évêché. En l'espace de sept ans, il fonda une organisation complète d'enseignement, profitant du maximum des lois d’écoles de fabriques ou de syndics pour doter sa vaste paroisse de maisons d’écoles. On peut le regarder à juste titre comme le fondateur du séminaire de Saint-Hyacinthe.
6) Édouard Crevier (1832-1852). La grave épidémie qui sévit en 1832 avait fait ressortir la nécessité d’un hôpital à Saint-Hyacinthe. C’est ce à quoi s'ingénia le curé Crevier, en faisant ouvrir le premier Hôtel-Dieu. L’église de pierre de 1796 nécessitant d’être restaurée, il procéda, au milieu de vives oppositions de la part de certains de ses paroissiens, à la construction d'une nouvelle église. Cette église Crevier, terminée en 1842, fut de ce fait affligée de malfaçon et de faiblesse. Elle était caduque dès que parachevée. C'est ce curé qui prépara les esprits à la venue d'un évêque à Saint-Hyacinthe.
7) Jean-Zéphirin Resther (1852-1858). En novembre 1852, Mgr Jean-Charles Prince, nommé évêque de Saint-Hyacinthe, prenait possession de l’église et du presbytère. Il devait y loger un an. Mais le bill de cession de la paroisse à la corporation épiscopale ayant échoué en Chambre, Mgr Prince dut songer à s’installer ailleurs. Il nomma le curé Resther en titre. Celui-ci se mit à l'oeuvre pour rebâtir une nouvelle église, proportionnée à la population et au nouvel état de choses. Après l'église Durouvray (1796), après l’église Crevier (1842), l’église Resther (1861) allait être la troisième en pierre, sise sur le même emplacement que les deux autres. C’est l'actuelle église paroissiale. À sa bénédiction, Mgr Prince loua les paroissiens qui, en l'espace de 27 ans, consentirent à quatre répartitions pour leurs constructions d’église.
8) Anthony O'Donnell (1858-1861). Il s’employa à la décoration intérieure. Disons, pour intérêt, que l’actuelle église fut estimée en 1861, avec sacristie, au prix de $22,000.
9) Édouard Lecours (1861-1873) offrit la nouvelle église aux paroissiens, à la Noël de 1861. Les chroniques rapportent que, d'une église à l’autre, on se servit des pierres utilisables pour les reconstructions. Ce qui veut dire que l'actuelle église Notre-Dame contient en ses murs des pierres de l'église Resther de 1796. C'est sous le curé Lecours que se firent les tractations pour céder la paroisse aux religieux dominicains. C’est en effet le 5 octobre 1873 que ces derniers prirent en charge la paroisse Notre-Dame. Il faut dire ici que ce nouveau titulaire avait été donné à la Paroisse, à l'arrivée du premier évêque de Saint-Hyacinthe (1852), qui transféra le patronage de Saint-Hyacinthe à son église cathédrale.
La semaine prochaine, nous verrons quelles circonstances ont amené les Dominicains, ou Frères Prêcheurs, en terre canadienne, à Saint-Hyacinthe.
Photo: Édouard Crevier. Collection du Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, CH001.