Par Jean-Baptiste Phaneuf
Publié dans le Courrier de Saint-Hyacinthe le 1e décembe 2004.
Le premier chemin entre Montréal et Québec, sur la rive nord du Saint-Laurent ne fut commencé qu’en 1708 pour être terminé en 1747. Parmi les obstacles à surmonter, il y avait les rivières, les chemins d’eau. On y parvenait par la construction de ponts comme l’indique l’intendant Hocquart en 1733. Les ponts étaient cependant aménagés sur de petits cours d’eau, pour les rivières plus importantes, il fallait avoir recours au bac.
Depuis longtemps, le traversier ou le bac demeure un moyen de choix pour traverser les cours d’eau. Souvent, ses dimensions le font qualifier de grand bac. Il s’en trouve encore quelques-uns sur le Richelieu, entre les villages riverains, entre Saint-Ours et Saint-Roch, entre Saint-Denis et Saint-Antoine. Il y a une soixantaine d’années, un grand bac assurait également la liaison entre Belœil et Saint-Hilaire.
À l’origine, ces bacs sont de petites embarcations rectangulaires, sans pont, capables de transporter un cheval et son cabriolet. Agrandi, il permet le chargement de deux voitures. Ces bacs sont mus par la force des bras, par des rames ou par une rame et une perche pour en assurer la direction. Ils sont dotés d’un pont, d’un plancher couvrant la coque, ce qui permet un embarquement facile et rend moins importants les inconvénients des infiltrations d’eau. De chaque côté, des rambardes sont ajoutées pour éviter les accidents, les chutes à l’eau et, à chaque extrémité, des portes sont installées dont le jeu atténue la dénivellation entre le quai et le bac.
L’installation du câble ou du fil d’acier fixé sur les rives de chaque côté de la rivière demeure une importante innovation apportée à la traversée du grand bac. Le câble repose au fond de l’eau mais sur le bac, il courre entre deux groupes de poulies qui le retient. Cette liaison facilite l’aller et le retour d’une rive à l’autre et empêche d’être emporté par le courant et les vents. Désormais, la rame perd de son importance au profit du levier pour faire déplacer le bac. Le levier est un instrument de bois doté d’un manche dont une extrémité, la palette, est élargie et creusée d’une rainure transversale. Cette rainure occasionne une fixation facile et solide au câble. Il n’y a plus qu’à s’appuyer sur le manche et à pousser afin de faire avance le bac. Mais une rame fixée à la rambarde reste en réserve, en cas de rupture du câble.
Une autre innovation de nature à faciliter le travail du passeur, est le recours à un yacht motorisé, installé au flanc du grand bac. Dans sa course, pour aller dans la direction opposée, on n’a qu’à tourner de bord le yacht.
Dans son Histoire de Saint-Denis-sur-Richelieu, l’abbé Allaire fait mention du premier passeur de Saint-Denis, Christophe Marchessault de Saint-Antoine. Son installation semble fort rudimentaire, puisqu’il s’agit d’une simple plate-forme jetée sur deux robustes chaloupes. Cette embarcation a son originalité, car son déplacement est assuré par deux roues palmées, actionnées par un cheval et son manège, comme celui de plans d’eau importants, comme entre Montréal et Longueuil.
Entre Saint-Denis et Saint-Antoine, il y avait jadis deux traverses, une à chacune des paroisses, désir des conseils municipaux qui imposaient leurs règlements. L’appartenance se discernait par le lieu de résidence du passeur. Les paroissiens étaient très fiers de leur traverse et l’empruntait de préférence à l’autre. Celle de Saint-Antoine était en amont de la Grosse Île. Et son quai, du côté de Saint-Denis, était en haut du village, à la côte publique qui se voyait au nord du garage Marcotte. Un des derniers propriétaires de cette traverse fut Adrien Leblanc.
La seconde, celle de Saint-Denis, était à l’endroit où elle est actuellement. Jadis, elle se situait davantage vers le centre du village, entre les numéros 82 et 108 du cadastre, vraisemblablement à la côte du quai actuel. Elle fut déplacée où elle est présentement, vis-à-vis la montée de Contrecœur, à la suite de la construction du chemin de fer au sud du Saint-Laurent, entre Longueuil-Sorel-Nicolet.
La malle de Saint-Denis arrivait par le train qui y circulait. Auparavant, la poste était transportée par voiture à cheval à partir de Saint-Hilaire jusqu’à Sorel.
Le propriétaire de la traverse réside au bas de la côte depuis 1930. C’est vers 1895 que la traverse est dotée d’une cordelle ou d’un câble sous-marin. Les passeurs qui se sont succédés à la barre du grand bac sont nombreux. Nommons monsieur Danis Chaput en 1936 et ses fils en 1940.
Photo:
Le grand bac de Saint-Denis lors de sa bénédiction en mai 1939. On peut reconnaître au premier plan Dalvény Huard, Denis Bonin, l'abbé Lemonde (officiant), Mgr Sénécal, curé, Albert Bonin, maire, Antoine Desrosiers. La fanfare rehausse l’événement. Vue de Saint-Denis à l’arrière plan.
Source: Histoire de Saint-Denis, 1740-1990, p. 223.
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