L’électrification à Saint-Charles-sur-Richelieu

Par Gilles Guertin

Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 31 janvier 1995.

Si l’on examine une carte topographique du territoire de Saint-Charles on constate que le terrain, ici, est plutôt plat. Aucune montagne, pas de falaises, des terres sans relief si ce n’est quelques côteaux. Un sol tout entier consacré à l’exploitation agricole. Les eaux du Richelieu et des ruisseaux qui lui sont tributaires coulent paisiblement sans rencontrer d’obstacles. Ce peu de dénivellation allait retarder l’électrification municipale.

Aucun cours d’eau ne pouvant être harnaché il fallu attendre que des lignes de transmission venant de la paroisse voisine, Saint-Denis, atteignent le village. Pour vous montrer l’insuffisance énergétique du territoire il suffit de signaler qu’aucun des moulins construits au 18e et au 19e siècles n’était mû par un pouvoir d’eau. Les uns étaient actionnés par le vent et les autres par traction animale. Quelques mois avant la séparation des deux municipalités la question de l’électricité et de ses avantages est débattue au Conseil. Retournons soixante douze ans en arrière.

En février et mars 1923 un premier projet, visant à fournir l’électricité “sous toutes ses formes”, est présenté par La Lumière Électrique de Sainte-Julie-de-Verchères. Cependant c’est avec une autre compagnie, La Saint-Ours Électrique Limitée, qu’est passé, le 23 avril 1924, un contrat d’exclusivité de 10 ans.

Ce contrat stipule, entre autre, que l’éclairage et la fourniture d’énergie devront être fonctionnels un an après la signature sous peine de résiliation! La Saint-Ours Électrique ne put remplir cette clause et la municipalité mit fin à ses engagements. Le 7 janvier 1924 La Richelieu Electric Limited s’engage à installer trois lampes de soixante quinze watts pour l’éclairage des rues et chemins publics. En mars elle demande un délai. Pour elle aussi ce sera l’échec.

Le véritable coup d’envoi est donné le premier décembre 1924 quand les deux municipalités de Saint-Charles signent, avec monsieur Royal Le Sage de la South Shore Light, Heat and Power Corporation, un nouveau contrat de dix ans. Elle devra passer ses lignes partout où il y a au moins “cinq consommateurs par mille de front”. Ce qui excluait les zones plus rurales et qui fut peut-être une des causes de la séparation des deux municipalités en cette même année 1924.

Les coûts du service de la South Shore furent établis à 15¢ du kilowatt/heure. Cinq mois plus tard, le cinq mai 1925, la salle municipale, où se tiennent les assemblées, reçoit le courant électrique et trois lampes éclairent les carrefours du village.

En mai 1931 la Southern Canada Power, qui commence à monopoliser la production d’électricité dans la région, signe un premier contrat de cinq ans. Parmi les clauses on découvre que la Compagnie doit installer 20 nouvelles lampes dans les rues. La Southern fournira l’électricité jusqu’en 1963; c’est-à-dire jusqu’à la nationalisation.

Dès juin 1933 des démêlés surgissent entre la Southern et les deux corporations. Le service et les taux, en particulier, sont contestés. Ces derniers varient d’une paroisse et, parfois, d’un rang à l’autre. La Compagnie, n’ayant pas de concurrence, ajuste les prix à sa convenance. Plusieurs contestations sont présentées, sans succès, devant la Commission d’électricité du Québec.

En mai 1945 une autre bataille s’engage. C’est celle de l’électrification rurale. Malgré les exhortations aux députés locaux les choses tardèrent. Ce n’est qu’au milieu des années cinquante que le projet fut mené à terme.

Durant cette période un employé municipal a pour fonction d’allumer, d’éteindre et de remplacer, au besoin, les lumières de rue. En août 1957 c’est monsieur Jean-Paul Roy qui occupe ce poste pour un salaire annuel de $35.00.

À partir de 1964, et cela jusqu’à nos jours, l’électricité nous vient d’Hydro-Québec. Cependant le réseau d’éclairage des rues et son entretien sont confiés, depuis les années 70, à la Coopérative d’électricité de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville.

Enfin en 1993 le Village achète, pour la somme de $5,062.42, le réseau d’éclairage public. La même année la municipalité adhère au programme de conversion énergétique.

Photo
En 1960, les bureaux de la Southern Canada Power étaient situés sur la rue Saint-Antoine à Saint-Hyacinthe.
Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe, CH116.