Le personnel enseignant et la direction de l’École
Par Georges Bélanger
Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 21 mai 1975
Voyons quel était le personnel enseignant à cette importante école de laiterie. La direction générale, tel que dit déjà, fut confiée au professeur James W. Robertson, qui était alors commissaire fédéral de l’Industrie laitière; la Société lui donnait, avec le consentement du ministre fédéral de l'Agriculture, $1000.00 par année pour sont dévouement et son travail à l’École de Laiterie. Le professeur Robertson couvrait l'agriculture en général et la production laitière en particulier. D'ailleurs son assistant-commissaire, M. J.C. Chapais le secondait et donnait les mêmes cours en français.
C'est que les étudiants étaient des deux langues « aujourd’hui » officielles. L'octroi du fédéral à l’École de laiterie était de $5000.00 par année. Le professeur Robertson démissionnera de la direction en 1896. Il laissera de plus la fonction publique fédérale en 1904 pour réaliser le projet du millionnaire Sir William-C. MacDonald d'organiser le projet universitaire agricole bilingue au service de l'Agriculture du Québec. Ce collège ouvrait ses portes à l'automne 1907 et le professeur Robertson, qui en fut le premier principal, voulait ce collège pour catholiques et protestants, anglais ou français, blancs ou noirs. Comme les Canadiens français s'en tinrent à l'écart, ce ne fut qu'un collège anglais pendant de nombreuses années. Heureusement, il y a maintenant une importante section française sous l'habile direction du docteur Jean David.
Le directeur pratique et surintendant de la station expérimentale est monsieur Damien Leclair. C'était un cultivateur d'avant-garde qui possédait une ferme à la Grande-Côte de Sainte-Thérèse de Terrebonne. Il s'y adonnait à l'élevage des vaches laitières et fabriquait lui-même son beurre. Homme de foi, quand il entendit Barnard parler de la possibilité d'aller à la défense de Pie IX, il parti avec le premier contingent; un peu comme ici pour M. Ferrier Chartier et J. Nault, nos deux chevaliers du temps.
À son retour de Rome, M. Leclair devient conférencier agricole (à la suggestion de Barnard). Il réussit tellement bien ses conférences agricoles aux cultivateurs que lors de l'organisation de l'École de Laiterie, il en est nommé directeur, le choix unanime de tout le comité de l'École, A.E. Barnard n'était loin. M. Damien Leclair a établi à l'École de 1892 comme à celle de 1906 une stricte discipline très bien acceptée par tous les étudiants. Lors de mes séjours à l’École en 1931, 1934 et 1935, on constatait encore ce respect de l'autorité qui est très bénéfique pour l'étudiant. (Mgr Lalime nous décrivait récemment, ici même, cette même discipline à l'École établie par son père J.-B. Lalime, l'un des signataires des billets de $1.00 pour l'École de Laiterie).
M. Leclair deviendra directeur des études en 1907 jusqu'en 1919, où il sera nommé « Conseiller » en Industrie laitière; c'est un peu comme aujourd'hui pour certains fonctionnaires à la veille de la mise à la retraite, quand il y a trop de « pistonnage » pour placer un jeune « surdoué »!
La chimie est enseignée par l’abbé C.P. Choquette du Séminaire de Saint-Hyacinthe. Un fait est à noter : il n’y a jamais eu d’aumonier à l’École de Laiterie. Nous n’en avons, à l’I.T.A., que depuis qu’il n’y en a plus ailleurs. L’abbé Choquette qui dirigeait le laboratoire officiel depuis 1889 fit profiter les étudiants de ses connaissances et en chimie et en bactériologie. Le microscope qui lui servait alors pour ses démonstrations pratiques est conservé précieusement au musée de l’Institut de Technologie agricole de La Pocatière. C’est heureux; comme nous n’avons pas de musée ici, ce serait perdu comme le furent bien d’autres pièces historiques.
C’est la gloire de nos Séminaires d’avoir cultivé le « culte du passé ». Que n’avons-nous fait de même !
Le cours de fromage est donné par M. Peter McFarlane, un excellent fabricant et inspecteur général des syndicats de fromageries. Il est propriétaire de plusieurs fabriques de fromage. Comme il parle difficilement le français il est remplacé en 1893-94 par M. Henry-A. Levingstone du Vermont, un excellent fabricant qui parle parfaitement les deux langues. C’est un professeur méticuleux qui ne cherche qu’à servir ses étudiants. Ses compagnons de travail font sa louange; malheureusement, il décède prématurément en février 1894. M. Elie Bourbeau, fabricant de fromage à l’Ange-Gardien de Rouville et inspecteur du syndicat de fromagerie de Bagot le remplace et enseignera la fabrication du fromage pendant de nombreuses années.
L’homme à tout faire, le secrétaire de la Société d’Industrie laitière et de l’École de Laiterie, est M. Emile Castel. Il fut l’âme active de l’École de laiterie de 1892 à 1907. Il naquit en Normandie en 1853, fit ses études de notariat, puis émigra au Canada. Constatant les difficultés pour se faire accepter par la « chambre », comme ce sera le cas pour Alexis Carrel par d’autres de nos professionnels en 1904, il trouve sa voie en agriculture et va passer deux ans à La Pocatière, 1888-1889. Il y organise un cercle agricole et en est élu président, sans s’y proposer lui-même. Au départ de Taché comme secrétaire, celui-ci le suggère à Barnard comme son remplaçant. Ce fut pour le plus grand succès de l’École et de la Société. Dès 1894, il traduit pour ses étudiants, le bulletin que vient de publier le docteur S.M. Babcock sur les analyses de lait et de crème, cela avec la pleine autorisation de l’auteur; l’année suivante, il fait de même pour un traité sur la fabrication du fromage par Decker, professeur à l’Université de Madison au Wisconsin.
C’est dire que, dès ses débuts, l’École de Laiterie se tint à la page, son enseignement pouvait rivaliser avec toute autre institution du genre. C’est le témoignage que lui rendra le professeur R. Lézé de Paris, un compagnon du grand Pasteur.
On lit dans le Courrier du 3 mars 1894, citant un discours de l’Honorable Pelletier : « L’École de Laiterie établie par l’Honorable Ministre de l’Agriculture à Saint-Hyacinthe, est une véritable université agricole, et les titres qu’on y acquiert sont aussi glorieux que ceux remportés par les hommes de profession dans les autres universités. »
Pas de complexes !
Photo :
En haut à gauche: J.-Damien Leclair (jeune)
Plus bas: Quelques personnages associés à l'École de laiterie provinciale dont J.-Damine Leclair, plus vieux.
Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe.
CH554 Ecole de laiterie, photographies tirées de l'ouvrage de J.A. Ruddick publié en 1911 et qui s'intitule L'industrie Laitière au Canada.
Cet article et le dernier d’une série de quatre.
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