L’école de laiterie (3)

Les premiers élèves à l’Ecole de laiterie
Par Georges Bélanger

Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 14 mai 1975.

Enfin, les cours sont commencés à l’École de Laiterie et tout fonctionne pour le mieux, les étudiants sont nombreux et les demandes d'admission se multiplient. Continuons de consulter nos principales sources d'informations: Le Courrier de Saint-Hyacinthe, et les rapports annuels de la Société d'Industrie laitière.  

Le 27 décembre 1892: « Les travaux d'installation de l'École de Laiterie. Les cours s'ouvriront le 9 janvier. À partir du premier janvier prochain, l'école accordera $1.25 pour 100 livres de lait apporté à la fabrique même. Ceci regarde le cultivateur qui se trouve à une faible distance de l'École. Afin de mettre sur le même pied ceux qui sont éloignés, l'école accordera aussi à partir du premier janvier, $1.25 du cent livres de lait délivré aux stations. L’École offre en vente le lait écrémé pour 15 cents le cent livres. » L'Honorable Beaubien avait publié une circulaire le 29 octobre annonçant que le  gouvernement fédéral, sous la direction du Commissaire de l'Industrie laitière, se chargera de la fabrication du beurre de « premier choix » moyennant 3½ cents la livre. Le lait écrémé sera vendu aux cultivateurs, où il leur sera tenu compte de tout ce que l'on pourra en obtenir. Dans le temps, où l'on fabriquera du fromage, les frais de fabrication seront de 1½ cents la livre. 
 
Le 28 février 1893 on lit: « Hôtel Yamaska- Samedi, le professeur Robertson, Édouard-A. Barnard, du département de l'Agriculture à Québec, J. de L. Taché, A. Ayer, I.J.A. Marsan, L.T. Brodeur, Alexis Chicoine, F. Baril de Warwick se faisaient servir un splendide dîner au populaire et fashionnable hôtel Yamaska. Sur une autre page du même journal, on lit que les membres du comité de l'École de laiterie ont pris le diner à l'Hôtel Yamaska. Ce sont deux façons d'annoncer la même nouvelle: l'une pour l'hôtel, l'autre pour le compte de dépenses. 

Le 14 mars 1893, voilà que c'est plus sérieux: L'Honorable premier ministre Taillon et ses collègues sont à Saint-Hyacinthe. « Inauguration officielle de l’École de Laiterie ». 

« Les Honorables Taillon, premier ministre, Beaubien, commissaire à l'Agriculture, Nantel, commissaire aux Travaux Publics, Pelletier, Secrétaire provincial. Ils arrivent à la gare à 10h.37. L'Honorable Joly, l'Honorable M. de la Bruère, le professeur Robertson, commissaire fédéral et directeur de l'école, J. de L. Taché, J.C. Chapais sont là pour les recevoir. Cette visite fut complète. La salle d'expérience au premier étage pour le fromage, les magasins de fromage et les différents bocaux ou instruments qui servent à la fabrication de ce produit; au rez-de-chaussée, les différentes machines centrifuges, barattes-malaxeurs, magasins de beurre, glacières, bouilloire et engin, tout fut inspecté. On se rendit ensuite au deuxième étage où les élèves présentèrent aux ministres, par la bouche de M. Charles-A Bégin, de Rimouski l'adresse de bienvenue suivante:

Honorable Messieurs,
À l'occasion de votre première visite à l'École d'Industrie laitière de la province de Québec, permettez aux élèves de cette institution de vous souhaiter la plus cordiale bienvenue et de  vous présenter leurs hommages les plus empressés et les plus respectueux. 

Nous sommes heureux, Honorables Messieurs, de pouvoir aujourd'hui vous exprimer toute notre reconnaissance pour le puissant encouragement que vous donnez à cette école. Grâce au zèle, que vous déployez, nous pouvons venir puiser ici toutes les connaissances qui nous permettront de travailler avec plus d'énergie et de science au développement de cette industrie, l'une des plus grandes sources de richesse de la province de Québec. Comme vous l'avez constaté, Messieurs les Ministres, un grand nombre d'élèves de Québec et d'Ontario ont suivi avec intérêt les cours qui sont donnés ici. Plus de 130 élèves ont étudié à l'École d'Industrie laitière depuis son ouverture, et cependant il y a moins de trois mois que les cours y sont donnés. On nous a laissé espérer que l'École deviendrait sous peu une station expérimentale permanente où nous pourrons recueillir toutes informations et venir profiter des expériences qui y seront faites, tant dans la fabrique de beurre que dans celle du fromage. C'est le vœu le plus ardent que nous formons et que nous espérons voir se réaliser. Permettez-nous, Honorables Messieurs, de vous féliciter sincèrement de l'heureux choix que vous avez fait dans les personnes de MM. Leclair et MacFarlane nos intelligents professeurs. Veuillez croire, Messieurs les Ministres à notre profonde gratitude et à nos sentiments les plus distingués. Les Élèves de l'École d'Industrie laitière. 

«M. Taillon félicite les élèves de leur assiduité, se dit bien disposé envers cette institution qu'on accueille si favorablement partout. 

«M. Beaubien: « Vous êtes les pionniers, c'est dans vos mains que je remettrai le soin de syndiquer les fromageries. » 

L'Honorable Joly félicite l'Honorable premier ministre, ses collègues et la Société d'Industrie laitière de leur travail efficace.

À midi, c'est le banquet en l'honneur des ministres sous les auspices de la Société d'Industrie laitière. Le président honoraire et président fondateur de la Société lit l'adresse de bienvenue vers deux heures et c'est une période de trois heures d'éloquents discours. L'Honorable  Commissaire Beaubien félicite la Société d'Industrie laitière de cette immense assemblée dans cette vaste salle, c'est un beau témoignage à son dévouement et au succès qu'elle a obtenu.  L'inauguration de l'École d'Industrie laitière est réellement le commencement d'une ère nouvelle pour la province de Québec. Je remercie le gouvernement fédéral de l'aide qu'il nous a donnée dans l'établissement de cette École de Saint-Hyacinthe. Avec l'intelligente direction du professeur Robertson, le dévouement des directeurs de la Société d'Industrie laitière, nous avons un établissement dont nous pouvons être fiers. Parfaitement aménagé, sous la conduite de professeurs expérimentés, d'hommes pratiques et habiles, il est  appelé à rendre des services considérables à notre province. En industrie laitière, Saint-Hyacinthe a été une des premières localités à donner l'exemple et à tracer la route à suivre, aussi, quand il s'est agi de localiser une école de beurrerie et de fromagerie, le nom de votre ville s'est naturellement présenté. Quand une fromagerie ou une beurrerie s'établit dans une localité, c'est de l'argent comptant pour nos cultivateurs. C'est l'honorable député de Bagot, M. Dupont, qui disait que lorsqu'il a commencé à exercer sa profession dans sa localité il avait surtout des obligations à  rédiger; le cultivateur grevait sa terre d'année en année et beaucoup n'en pouvant plus étaient obligés de la quitter. Maintenant, les choses sont bien changées; notre honorable ami rédige des quittances ou des obligations où le cultivateur est le prêteur. M. le maire Dessaulles que nous sommes heureux de voir au milieu de nous en ce moment, qui est président de la Banque de Saint-Hyacinthe nous dit que sa banque a payé aux cultivateurs la somme de $233,000.00 pour du beurre et du fromage. Nous ne faisons aujourd'hui dans les fabriques que du fromage dit américain, le moment viendra bientôt, je l'espère, où l'École de Saint-Hyacinthe nous enseignera à fabriquer toutes les diverses espèces que nous importons aujourd'hui à grands frais. Elle n'oubliera pas de propager dans le pays la production de ces excellents fromages raffinés dont quelques-unes des familles de vos environs et de l'Île d'Orléans ont le secret. Un de vos mottos est, bien sûr: aide à l’Agriculture, l’ouvrier de notre prospérité. » 

Une telle fête en l'honneur d'un gouvernement conservateur ne pouvait que susciter l'ire de  L’Union, le journal libéral de Saint-Hyacinthe. M. L.F. Morison s'en excuse: « Les ministres de la province de Québec, au lieu de s'attirer des désagréments de la part de qui que ce soit, ont mérité de tous les citoyens de Saint-Hyacinthe, sans distinction de partis, par la grande réserve dont ils ont fait preuve dans leurs discours et leur conduite, nos félicitations les plus cordiales. »  M. Morison est le propriétaire de L'Union. 

Voici la liste des divers entrepreneurs et fournisseurs pour la construction de cette école: Jos. Chenette, Louis Gosselin, Paquet & Godbout, F. Dudley, Raymond & Frères, A. Blondin, Jos. Leduc, J.-H. Morin, A. Roberge, E.-T. Coderre, M. Benoit, D.-M. Macpherson, F.-X. Bertrand, I. Arpin, Moseley & Stoddard, O. Chalifoux et Fils, Guerney & Co., Moreau & Sicotte, Sam Bourgeois, Taché & Désautels, J.-L. Goodhue, F. Wilson, G. Lessard.

Le coût total de la construction fut de $5125.81. La machinerie et l'outillage 2573.86. Les frais généraux s'élèvent à $475.24, pour un grand total de $8174.91.

Comme en fin décembre la Société est en déficit, $2622.79, l’Honorable Commissaire Beaubien lui obtient un subside spécial de $2600.00 que les directeurs sont heureux d'encaisser. 

Photo :
Les participants d'un cours d'inspecteur à l'École de laiterie.
Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe.

Cet article est le troisième d’une série de quatre.

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