L'École de laiterie (2)

Qui sont les 40 donateurs de l’École de laiterie ? 

Par Georges Bélanger
Publié dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe le 7 mai 1975

Qui sont donc ces quarante citoyens qui en 1892 sont si dévoués à l’Industrie laitière en cette province? Jusqu’ici, ce me fut impossible de trouver la liste complète de ces 40 citoyens. On leur avait pourtant promis que leurs noms seraient inscrits sur un tableau d'honneur qui passerait à la postérité. Je vois ce qui existe à l'Ecole depuis 1931 et je n’ai jamais vu ce tableau d'honneur. Peut-être que quelqu'un qui n'avait pas remis son billet mais aurait voulu, après coup, l'avoir remis, déçu de ne pas se voir en évidence, aurait tout simplement fait disparaître ce tableau d'honneur à la première occasion. L'histoire doit être relatée telle que vécue, oublions les hypothèses.

On ne peut blâmer les anciens du siècle dernier; où sont donc les grands portraits des directeurs de l'École de laiterie et de tous les présidents de la Société d'industrie laitière? Ils existaient bel et bien en 1960? Tout n'est pas perdu; le rapport du ministre de l'Agriculture de 1902, dix ans après la signature des billets, donne la liste des survivants d'alors :

De  Saint-Hyacinthe même : J. de Labroquerie Taché, Juge Louis Tellier, Docteur H.-A. Mignault, J.-B Lalime, Docteur J.- Eug. Turcot, Adélard Blondin, F.-X. Bertrand, Jos.-C. Désautels, Révédend A. O'Donnell, E.-B. Duford, Louis Côté, Joseph Séguin, Raymond & frère, L.-A Choquet, Henry Taché.

De Saint-Hugues: L.-T Brodeur et Émery Lafontaine. De Saint-Marc: Alexis Chicoine. De Saint-Valérien: Révérend F. P. Côté. De Québec: Honorable Pierre Boucher de la Bruyère.  De Sainte-Madeleine: Docteur A.-P. Cartier. De Montréal: M. Mac Donald.
De Saint-Hermas: Benjamen Beauchamp. De Sherbrooke: H.-W. Mulvena. De Saint-Pie: P.-E. Roy. De L'Assomption: I.-J.-A. Marsan. De South-Durham : R. Préfontaine. De Saint-Simon: Chs. Lafontaine et Dieudoné Denis. De La Baie: J.-N. Duguay et J.-L. Lemire.

Qui nous donnera les noms des neuf autres? Il est bien regrettable qu'ils soient oubliés.  Pensons donc à ce que représentait ce $100 en 1892. Il fallait travailler des semaines pour gagner cela.

Remarquons que ces billets couvraient l'emprunt de $5000 et non l'achat du terrain. Celui-ci a bel et bien été donné gratuitement par le Séminaire de Saint-Hyacinthe à la Société d'Industrie laitière. 

Le Courrier de Saint-Hyacinthe du 8 septembre 1892 écrit que les travaux de la bâtisse de l'École provinciale de Laiterie ont été donnés à entreprendre à M. Chenette pour la menuiserie, à M. Fortunat Houle pour la maçonnerie. 

Le Montreal Herald du 30 août 1892 écrit: « La Corporation du Collège de Saint-Hyacinthe leur offre un terrain admirablement bien situé et vient de conclure avec eux un arrangement mettant à leur disposition les fonds requis pour bâtir et outiller l’École ».

Le 29 octobre, on lit dans le Courrier: « Le professeur Robertson d'Ottawa commissaire de l'Industrie laitière sera en cette ville aujourd’hui pour déterminer les détails du fonctionnement de l'École de Laiterie. […] Le professeur Robertson, la plus compétente autorité du continent en matière de laiterie, prend en charge l'institution théorique et les travaux pratiques de l'École et le gouvernement provincial a promis de prélever sur l'octroi accordé à l'industrie laitière la somme suffisante pour faciliter ces arrangements. » 

Le Courrier du 3 novembre écrit ceci sous le titre. L'École de Laiterie: « Le professeur Robertson, commissaire fédéral de l'Industrie laitière était à Saint-Hyacinthe samedi dernier pour y rencontrer le comité spécial de la Société d'Industrie laitière, chargé de la construction et de l'outillage de la nouvelle école de laiterie. Une assemblée a eu lieu l'après-midi, dans la salle du Conseil de Comté sous la présidence de l'Honorable M. de la Bruère, orateur du Conseil législatif. Dans son allocution, le prof.  Robertson a établi que la province de Québec jouissait depuis longtemps d'une bonne réputation pour l'excellente qualité de son beurre, et a affirmé que mieux il connaissait notre province, sa population, ses pâturages, ses cours d'eau, ses récoltes de fourrages et son bétail, plus il lui paraissait certain qu'elle était admirablement appropriée à la production du lait. Jusqu'à ces dernières années, le fromage de la province de Québec ne faisait guère honneur à ses fromageries, de grands progrès ont été faits depuis trois ans... »  

Cette dernière remarque sur le fromage provient du fromage de lait écrémé ou partiellement écrémé de Saint-Denis de Kamouraska. Cela nous donnera ce « damned French Cheese » pendant de nombreuses années. Il faudra la visite dans les années 60 des commerçants de fromage de l'Angleterre pour qu'ils constatent de visu que le bon fromage Cheddar du Canada n'est pas tout fabriqué en Ontario. 

Accident à l'Industrie laitière. Voilà que le Courrier de Saint Hyacinthe du 12 novembre 1892 donne la nouvelle suivante : « Deux ouvriers, MM. Ludger Roberge et Edmond Salois, qui travaillaient à la nouvelle bâtisse de l'École d'Industrie laitière ont été le 9 courant victimes d'un accident qui aurait pu avoir des suites graves. Tous deux sont tombés lourdement sur le sol d'une hauteur de 16 pieds. Ils s'en sont tirés assez heureusement. Le premier ne se blessa que légèrement à la main. Le second cependant devra abandonner l'ouvrage pendant quelques jours, s'étant démis un pied dans sa chute. C'était donc un chantier assez important pour qu'il y ait eu un accident! La Société d'Industrie laitière paiera une indemnité d'accident de $50 à M. Edmond Salois. (Rapp. de la S.I.L. 1893, page 274).

Le 28 février 1893 dans un discours au Conseil législatif L'Honorable Boucher de la Bruère dit ceci : « Cette allusion me conduit, Honorable Messieurs à vous parler de l'École de Laiterie de Saint-Hyacinthe. L'école est une bâtisse de 60 pieds par 40, à trois étages. Le terrain sur lequel elle a été construite est un don du Séminaire de Saint-Hyacinthe. Il a fallu emprunter $5000.00 pour construire la maison et se procurer l'outillage qui est le plus perfectionné. Cette somme est remboursable au moyen de 10 annuités de $679.00, et une hypothèque a été donnée aux prêteurs sur le terrain et les constructions. Cette annuité sera payable à même la somme annuelle de $2000.00 que donne le gouvernement par le bill actuellement soumis à l'approbation de cette chambre. De plus, comme sureté additionnelle pour les prêteurs, quarante amis de l'industrie laitière ont consenti chacun un billet notarié au montant de $100.00 et se sont engagés à verser cette somme à la première demande. 

La direction de l'école a été confiée, avec l'autorisation du ministre de l'Agriculture à Ottawa, au distingué commissaire fédéral de l'industrie laitière, le professeur James-W. Robertson qui assume tous les risques de son fonctionnement. 

L'école possède 4 professeurs, l'abbé Choquette, professeur de chimie, MM. J.D. Leclair, Peter McFarlane et Bertrand. Elle a commencé à fonctionner régulièrement au mois de janvier dernier et au delà de 160 applications ont été faites de la part de personnes désireuses de suivre les cours...» 

L’abbé Choquette enseigne la chimie, M. Damien Leclair est surintendant de l'École et Station expérimentale de laiterie et professeur de beurre; M. Peter MacFarlane enseignera la fabrication du fromage; M. Bertrand devait être préposé aux démonstrations sur la fabrication du beurre et du fromage. 

Il est bon de constater que toute la province de Québec suivait ces travaux de Saint-Hyacinthe avec le plus grand intérêt; pratiquement autant que s'il avait été question de l'organisation d'une grande université. 

Bientôt, nous assisterons à l'inauguration officielle de l'École de Laiterie de la Société d'Industrie laitière. 

Photo : 
La salle des séparateurs de l'École de laiterie.
Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe.

Cet article est le deuxième d’une série de quatre.

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