Alphonse Denis, photographe, éditeur, lieutenant-colonel

Par Jean-Noël Dion
Publié dans le Courrier de Saint-Hyacinthe le 16 décembre 1987

Alphonse Denis est un des photographes les plus importants du XIXe siècle à Saint-Hyacinthe, non pas par la quantité de photographies émises mais plutôt par les travaux imposants qu'il a réalisés.

Né à Sainte-Philomène, comté de Châteauguay, le 6 octobre 1846, il est le fils de Hilaire Denis, mécanicien. Il fait des études au Collège de Montréal, puis commence son cours de droit en 1864.

Deux ans plus tard, après la mort de son père, il doit abandonner ses études pour subvenir aux besoins de la famille, étant l'aîné des sept enfants. Il exerce alors différents métiers.

On peut supposer qu'il s'est associé, ou a travaillé, avec le photographe Desmarais, du Carré Chaboillez à Montréal, qui vient d'ouvrir une succursale à Saint-Hyacinthe. Denis se serait installé à Saint-Hyacinthe en 1871.

Ses premiers travaux sont importants. Il réalise la mosaïque du Barreau de Saint-Hyacinthe, 23 personnes posent pour lui (1872), puis il répond au désir du clergé en photographiant la plupart des prêtres du diocèse de Saint-Hyacinthe pour en faire un album.

Cet ouvrage est devenu un document précieux. Il met en évidence, dans les premières pages, les 2e et 3e évêques du diocèse, Mgrs Larocque; puis, sur les pages subséquentes, seront disposés par groupe de dix les portraits des prêtres, précédés d'une courte notice biographique.

D'un graphisme original et d'une bonne précision technique, cet album a été publié à quelques dizaines d'exemplaires. Il fut mis en vente en juillet 1874. 

Après quelques années à titre de photographe, il est bientôt attiré par le domaine de l'imprimerie et de l'édition. L'expérience qu'il vient de vivre avec la réalisation de son album du clergé l'amène à élargir son champ d'action.

Il devient le gérant-imprimeur du journal L'Union, fondé en 1873 par Francis Morrison. Il conservera ce poste jusqu'en 1888, année où il fonde son propre journal, du nom de La Tribune.

Selon André Beaulieu et Jean Hamelin, dans « La presse québécoise des origines à nos jours », « l'apparition du prospectus de La Tribune, en mars 1888, constitue un événement : les 10 000 exemplaires distribués dans le district assurent à son propriétaire une liste d'abonnés de 3000 à 4000 noms.

“C’est déjà le succès, car le seuil de la rentabilité est d'ores et déjà atteint. Saint-Hyacinthe compte un nouveau journal, outre Le Courrier, d'allégeance conservatrice, et L'Union, porte-étendard des libéraux radicaux”.

M. Denis fut propriétaire du journal jusqu'en 1909, année de sa mort. Les dernières années, il s'était associé à Camille Lussier et à M. Paulet.

Alphonse Denis imprimait également la revue “La Voix du Précieux-Sang”, 1894-1898, éditions française et anglaise. Cette revue était financée par les religieuses du Précieux-Sang, et Laure Conan en était la directrice.

M. Denis rédigea un court texte sur Saint-Hyacinthe destiné à « The Canadian Album, encyclopedia Canada or the progress of a nation », Edit. by J. Castell Hopkins, Toronto, 1895. 

Dans cet imposant ouvrage de cinq volumes dont le but était de mettre en valeur les principales villes du Canada, M. Denis rappelle brièvement, en langue anglaise, l'histoire de sa localité d'adoption, tout en donnant quelques renseignements sur certains citoyens, lui-même y compris, pour notre bonne fortune.

Dans sa notice, il mentionne que son imprimerie est la mieux équipée des Cantons de l'Est et qu'il est l'un des hommes les plus entreprenants de Saint-Hyacinthe.

En plus d'avoir été photographe-imprimeur, propriétaire et éditeur d'un journal, notre homme fit également une carrière militaire : d'abord capitaine du régiment des Carabiniers Mont-Royal à partir de 1869, il devient commandant, puis Lieutenant-Colonel du 84e Bataillon de Saint-Hyacinthe (1887-1903).

Il est mort en novembre 1909, des suites d'une opération au foie. Il avait épousé, le 2 octobre 1871, Marie-Louise Vigeant. Le couple eut quatre enfants : Marie-Louise, Eugène, qui devint franciscain, Blanche et Berthe.

Mme Vigeant-Denis fut active à Saint-Hyacinthe de par son implication dans l'Association des Dames de Charité de l'Hôtel-Dieu. Elle fut la 8e présidente de cette association, entre 1899 et 1926. Elle est morte en juin 1927.

Photo:
Studio de photographie de Desmarais et Denis, rue Cascades, vers 1873.
Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe.

Sources:
La presse québécoise des origines à nos jours, T. 3, 1880-1895, par André Beaulieu, Jean Hamelin, Québec, PUL, 1977, p. 191-193.
Annuaires de la ville de Saint-Hyacinthe, 1875 à 1912.
Soeur Olive Dufault, archiviste des Soeurs de la Charité.
“Décès de M. A. Denis”, La Tribune, 12 novembre 1909.

Cet article est le deuxième d'une série de quatre.

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