On fête Dollard au Patro!

En 1933, on ne célèbre plus la Fête de la Reine au Québec. En effet, vers la fin de la décennie 1910 et au cours des années 1920, sous l’impulsion patriotique du chanoine Lionel Groulx et de la Ligue d’action française, on souligne plutôt le courage de Dollard des Ormeaux et de ses seize compagnons morts au Long-Sault, en 1660.

Charles-Philipe Courtois, auteur du livre Lionel Groulx, le penseur le plus influent de l’histoire du Québec, souligne les motivations qui mènent à ce changement : « L’action française organise plusieurs pèlerinages historiques aux Forges-du-Saint-Maurice, au Fort Carillon (Ticonderoga, N.Y.), à Vaudreuil, et à bien d’autres endroits, attirants souvent des foules de plusieurs milliers de personnes. Améliorer la connaissance de l’histoire nationale est un des meilleurs moyens de fortifier la conscience nationale, d’où l’importance des commémorations. Le contact avec l’histoire nourrit la fierté et fortifie l’idée que, loin d’être une race inférieure qui ferait bien de s’assimiler, les Canadiens-français ont leur place sur le sol libre d’Amérique. »

Au fil des ans et à la suite de diverses actions, la « Fête de Dollard remplace la Fête de la Reine dans la plupart des établissements scolaires canadiens-français au Québec. […] La Ligue d’action française met en circulation des symboles et toute une série de matériel de promotion de la fête : calendriers, cartes postales, timbres… […] Pourquoi cet engouement pour Dollard? À l’époque, on ne contestait pas sa valeur comme figure héroïque. Pour Groulx comme pour la plupart de ses contemporains, Dollard et ses compagnons étaient des figures inspirantes : ils s’étaient vaillamment sacrifiés; en se battant jusqu’au bout, ils avaient sauvé la colonie », précise l’historien Courtois.

La fête de 1933
À Saint-Hyacinthe, le 24 mai 1933, les célébrations de la Fête de Dollard sont organisées par les cercles locaux de l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française avec la collaboration des jeunes gens du Patronage Saint-Vincent-de-Paul. Le rédacteur du Courrier de Saint-Hyacinthe rappelle les faits dans l’édition du 26 mai 1933: « Il y eut assemblée au kiosque du Parc Dessaulles, présentation des armes en face d’un portrait de Dollard, discours, concert de fanfare. […] La compagnie des Zouaves de Saint-Hyacinthe, la Garde d’Honneur et la Garde des Hussards, participèrent à la manifestation, ayant d’abord paradé dans les rues. »

Il semble bien que les gens du Patro demeurent insatisfaits de l’allure des fêtes. Dans l’édition de L’écho du Patronage, de juin 1933, un rédacteur écrit : « À l’occasion de la fête du Long-Sault la fanfare du Patro donna un concert au kiosque municipal. St-Hyacinthe a été modeste envers ce héros. Notre ville se doit de faire mieux à l’avenir si elle veut qu’on croit à son patriotisme juvénile. »

La fête en 1934
L’année suivante, les gens du Patro s’impliquent plus activement selon ce qu’on peut lire dans L’Écho du Patronage de juin 1934 : « LA FÊTE DE DOLLARD a donné lieu à une grande manifestation, dans la soirée du 24 mai dernier. L’initiative, partie du Patronage St-Vincent de Paul, a reçu les adhésions unanimes et enthousiasmes de tous les groupements catholiques de la jeunesse maskoutaine. Le clergé, les présidents, les associés, tous se dirent heureux de ce mouvement d’ensemble et tous se sont féliciter de l’heureuse participation de chacun. »

À l’occasion de cette fête, le Patronage tient à bien faire les choses. Ainsi, la « façade et le parterre de l’œuvre étaient illuminés par des centaines de lanternes vénitiennes. Des drapeaux et des oriflammes décoraient çà et là. »

Le programme de la fête mis de l’avant par le Patro incluait une part religieuse, civique et patriotique. En début de soirée, on se rassemble au Patro pour se rendre à la chapelle du Séminaire pour une veillée d’armes.

Par la suite, on forme une grande parade qui sillonne les rues de la ville. On y retrouve les gymnastes du Patro qui escortent un buste de Dollard fleuri et illuminé, les Zouaves, la Garde d’honneur, les Éclaireurs, les avant-gardes, ainsi que les cercles et le comité régional de l’Association de la jeunesse canadienne-française.

Le défilé s’arrête au Patro ou les célébrations se poursuivent en face d’un monument élevé à Dollard des Ormeaux. Il y eut alors, une offrande de fleurs, des discours patriotiques, l’appel des dix-sept Braves, un cérémonial funéraires en leur honneur et une salve de mousqueterie tirée par les Zouaves. « Le clou fut l’apothéose. L’illumination instantanée, au moment de la salve de mousqueterie, d’un immense transparent, flanqué au haut de la tour centrale (du bâtiment) et représentant la dernière résistance de Dollard luttant `jusqu’au bout` fut d’un effet merveilleux. La foule considérable qui envahit le parterre applaudit nos vaillants musiciens qui du kiosque donnèrent pour finir un concert, malgré la température plutôt froide, ce soir-là. »

Le rédacteur de L’Écho du Patronage conclut : « Le Patronage en organisant cette fête de Dollard relevait le défi que d’aucun lui avait lancé l’an dernier lui prédisant un échec. Il a montré qu’il était possible d’unir toute nos forces vives de la jeunesse catholiquement organisée. »

Alors lundi le 20 mai prochain, lors de votre congé férié, ayez en tête qu’à d’autres époques, les Maskoutains n’étaient pas à cours de moyens pour célébrer sobrement leur histoire.

Illustation et photo:

Illustration tirée du Patro, organe mensuel de la jeunesse catholique des Patronages, No 5, mai 1938, p. 2.

L'ensemble de la communauté du Patro rend un hommage bien senti à Dollard en 1934. Collection Centre d'histoire CH085 Studio B.J. Hébert, photographe.

Paul Foisy, mai 2019