La Fête de la Reine en 1899

À Saint-Hyacinthe, le 24 mai 1899
Bien avant que le congé férié que l’on connait aujourd’hui au Québec comme étant la Journée nationale des Patriotes, on célébrait la Fête de la Reine. Cette journée, fériée au Canada, est célébrée chaque lundi précédant le 25 mai en l’honneur de la reine Victoria. Cette monarque fut reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du 20 juin 1837 jusqu’à sa mort le 22 janvier 1901.

Pour comprendre un peu le sens de cette fête, jetons un œil sur les festivités entourant cette journée fériée à la fin du XIXe siècle à Saint-Hyacinthe. Nos principales sources d’informations pour cette fête du 24 mai 1899 proviennent des journaux locaux soit Le Courrier de Saint-Hyacinthe et La Tribune de Saint-Hyacinthe.

Pour percevoir un peu l’atmosphère de l’époque, soulignons que les « drapeaux flottent aux mâts de tous nos édifices publics. Les banques sont fermées, c’était la fête, les affaires légales chôment, le bureau de poste chôme. Toutes nos maisons industrielles chôment pour permettre à tous de participer à la fête », mentionne le rédacteur de La Tribune.

La journée débute sur les chapeaux de roues, car dès 8 h 30, les musiciens de la Philharmonique sont à pied d’œuvre et se dirigent vers la gare afin de participer à l’accueil de Sir Charles Tupper, chef de l’opposition à Ottawa. Ce dernier, en route vers Sherbrooke, fait une courte escale à Saint-Hyacinthe question de saluer ses partisans conservateurs. En effet, lors de cette visite, « [u]ne adresse de circonstance lui fut présentée par M. W. Pickett, président de la chambre de commerce au nom des conservateurs de cette ville », indique le rédacteur de La Tribune, le 25 mai 1899.

En après-midi, la population assiste à une grande parade menée par la fanfare du 84e Bataillon, suivie par le colonel Denis et l’adjudant Bourgeois, qui se déplacent à cheval. Derrière-eux, défilent les quatre compagnies avec leurs officiers et c’est le chirurgien, également à cheval, qui ferme la marche. Le rédacteur de La Tribune raconte : « Le bataillon, sous le commandement de l’adjudant Bourgeois, forme une jolie procession, défilant dans nos rues, au pas militaire, avec ensemble et précision, et se dirige vers l’hippodrome Laframboise pour remplir le programme de la fête. Une foule compacte se presse à leur suite, avide de s’amuser et d’applaudir aux succès de notre corps de milice. »


Mais quel est l’itinéraire de ce défilé acclamé par la foule? D’abord, il faut savoir que le Manège militaire n’est pas encore construit à cette époque. Le journaliste de 

La Tribune indique que les miliciens volontaires se rendent à leur arsenal. À cette époque cet arsenal est situé à l’Académie Girouard. Dans une école? C’est en effet ce qu’affirme l’historien militaire Michel Litalien dans son livre Honneur et devoir. Le régiment de Saint-Hyacinthe 1871-1956 : « la Commission scolaire met à la disposition de l’unité urbaine une salle de l’Académie Girouard. Des armoires entreposeront de façon sécuritaire les fusils et les divers équipements et la cour d’école permettra d’effectuer les exercices militaires. » Cette information se confirme en suivant le parcours du défilé, car les participants s’engagent sur la rue Mondor (l’Académie Girouard est située sur cette rue). Puis, on emprunte les rues suivantes : Saint-Antoine, Saint-Simon, Cascades, Bourdages, Girouard, du Palais, Dessaulles, Rosalie (Hôtel-de-Ville) et Laframboise.

Au cours du défilé, on s’arrête devant le Palais Épiscopal (l’Évêché), le bureau du maire, et la résidence du colonel Denis. À chaque arrêt, la fanfare salue « les têtes dirigeantes, religieuse, municipale et militaire », en entonnant un « joyeux morceau ».

À l’arrivée de la parade au Rond Laframboise, une foule estimée à plus de 3000 personnes est présente. Le journaliste du Courrier de Saint-Hyacinthe, toujours à l’affut de la nouvelle, est sur les lieux et rapporte l’événement dans l’édition du 25 mai 1899 : « Après le défilé des troupes, ces dernières se rendirent au rond Laframboise, où un Salut Royal en l’honneur de Sa Gracieuse Majesté La Reine Victoria fut tiré. Après des manœuvres militaires brillamment exécutées, le bataillon se livra tout entier au programme des amusements. »
Comme la plupart des événements tenus au rond Laframboise, les amusements consistent en une série de courses en tout genre. Sous l’autorité des juges O. Gendron, W. Pickett, E. Lamarche, S.T. Duclos et T.E. Fee, on présente des courses en tout genre : aux patates, dans des sacs, à la pipe, aux souliers, au cavalier, ainsi que certaines plus traditionnelles telles une course de 100 verges, de ¼ de mille, de 1 mille et de 2 milles en bicyclette. Le tout est couronné par une épreuve de « Tug of War », que l’on connait aujourd’hui comme étant la souque à la corde, une épreuve qui fit partie des Jeux olympiques entre 1900 et 1920.

En soirée, la fanfare exécute quelques morceaux au kiosque qui était logé sur la pointe de terre situé à l’angle des rues Girouard, Mondor et Calixa-Lavallée. Puis enfin, « un beau feu d’artifice était lancé sur les rives du Yamaska. Des fusées, chandelles romaines, feux de joie, ballons et pièces pyrotechniques très variées, la circulation de nombreuses chaloupes illuminées, terminèrent agréablement cette belle fête », conclut le rédacteur de La Tribune.

On disait à l’époque que Saint-Hyacinthe se rappellera longtemps de la fête de la Reine de 1899. C’est précisément ce qu’on l’on fait ici, avec ce texte, afin de rendre hommages à ceux qui nous ont précédés. Je me demande toutefois si des courses aux patates sont prévues lors de la Journée nationale des patriotes?


Photos: 
Les musiciens de la Société Philharmonique vers 1900. CH085 Studio B.J. Hébert, photographe.
Les officiers du 84e Régiment Saint-Hyacinthe, en 1902. Reproduction François Larivière.

Paul Foisy, mai 2019