18 janvier 1938

Le feu du Collège Sacré-Cœur

Triste souvenir que celui-là ! L’incendie du Collège Sacré-Cœur, survenu le 18 janvier 1938, en plus de détruire complètement l’édifice, entraîna dans la mort quarante et un élèves et cinq frères enseignants, et causa des blessures à une vingtaine d’autres.

Mais, au juste, quel était ce collège ? Où était-il situé ? Quelle congrégation de religieux enseignants en avait la charge ? Et que savons-nous de cet incendie ?

D’abord, quel était ce collège ? C’était un collège où les élèves recevaient une instruction poussée en mathématiques, physique et chimie, pour être aptes à parfaire leur instruction dans des sphères plus élevées. Au début des années 1930, le collège mettait à l’emphase l’enseignement de la langue anglaise : les mathématiques et la géographie, entre autres, y étaient enseignées en cette langue. Où était-il situé ? Le Collège Sacré-Cœur était situé dans le Bourg-Joli, sur la rue Laframboise, où est érigée, depuis 1946, l’église Sacré-Cœur-de-Jésus, donc dans le nord-est de la ville de Saint-Hyacinthe. Suite à l’incendie du collège, les Frères du Sacré-Cœur décidèrent de ne pas reconstruire le collège et divisèrent, en 1945, leur vaste propriété en plusieurs lots, favorisant ainsi le développement résidentiel du quartier.

Selon les journaux consultés, cette nuit-là était particulièrement froide, on parle de -18 degrés Celcius ce qui devait gêner le travail des pompiers.

En reprenant les articles des journaux, qui relatent le témoignage du gardien de nuit du collège, monsieur Marcel Quesnel, devant la commission d’enquête on lit : le matin de l’incendie, j’avais fait ma tournée à 1 heure et tout était normal dans l’édifice. Vers 1 h 15 je revis au bureau de la procure. Tout à coup. Vers 1 h 30 ou 1 h 40 je ne sais au juste, j’entendis un bruit formidable et fus secoué par une violente explosion qui ébranla tout l’édifice, je regardai dehors et vis des flammes sortir par toutes les fenêtres. Aussi, il fut établi que le premier appel à la caserne des pompiers a été logé à 2 h 3.

C’est par une explosion formidable et un sifflement lugubre que je fus éveillé. Je fis de la lumière et pressentant un malheur, je me vêts en vitesse et sortis du collège par la porte. La fumée épaisse qui remplissait le collège m’empêcha de constater quoi que ce soit à l’intérieur. En sortant, je regardai vers la chapelle où tout était normal et me dirigeai vers la boîte d’alarme, mais les pompiers étaient déjà sur les lieux. Toute l’aile du côté était comme embrasée mais le feu semblait venir de la cave. Telle est la déposition du frère Lucius, directeur du collège.

Le feu aurait pris naissance, suite à une explosion de gaz produite par la combustion incomplète du charbon d’une ou de plusieurs des cinq fournaises qui assuraient le chauffage de l’établissement. De leur côté, les témoignages des premiers pompiers arrivés sur les lieux indiquent qu’ils ont fait le tour de la bâtisse pour voir s’ils pouvaient secourir quelques personnes qui seraient aux fenêtres ou sur le toit. La seule personne qui a été vue est un Frère qui était dans une fenêtre du premier étage, à l’extrémité de l’aile nord-ouest de la bâtisse en feu. Quand la brigade arriva sur les lieux les flammes sortaient par toutes les fenêtres de l’aile droite et passaient par-dessus la bâtisse, et c’est ce qui explique que, s’il y avait encore des enfants sur le toit, ils avaient été repoussés par les flammes vers le centre du toit où personne ne pouvait les voir… Même si la brigade eut des filets de sauvetage à sa disposition, elle n’aurait pas pu s’en servir. D’ailleurs, il était impossible de s’approcher de l’édifice, tant la chaleur produite par le brasier était intense.

En arrivant sur les lieux, les pompiers s’empressèrent de secourir les religieux et les élèves qui avaient pu s’échapper de l’édifice en flammes et qui attendaient en vêtements de nuit qu’on leur vint en aide. Des taxis et des automobiles des citoyens qui avaient été éveillés par l’alarme générale, transportèrent les rescapés, puisque les ambulances de l’hôpital Saint-Charles ne suffisaient pas à recueillir tous les blessés. Aux cris des élèves rassemblés sur le toit et criant au secours, se mêlaient les plaintes de ceux qui s’étaient jetés des étages supérieurs et qui gisaient déjà dans la neige souffrant d’horribles brûlures et de multiples fractures. Voilà le spectacle horrible qui se présentait aux secouristes.

Bien sûr, toutes sortes de rumeurs, de probabilités ou de dénouements au sujet de cette hécatombe furent véhiculés avant, pendant ou après l’enquête du coroner. Ce qu’il faut en retenir, c’est la parfaite abnégation des religieux pour porter secours aux élèves et la grande charité des Maskoutains pour recueillir et aider les survivants, sans oublier les soins attentifs prodigués aux victimes, que ce soit a l’hôpital Saint-Charles, à l’Hôtel-Dieu ou par les médecins de Saint-Hyacinthe.

Dans les premiers jours qui suivirent, des recherches intensives en vue de retrouver les cadavres des disparus ou manquant à l’appel se poursuivirent pour finalement établir le nombre exact des décès qui est le suivant : 5 religieux et 41 élèves. Les restes des quarante-six victimes, trouvés dans les décombres, carbonisés et mutilés ne purent être identifiés, sauf ceux de trois élèves, que les parents réclamèrent ; les autres furent placés dans quinze cercueils.

Un service solennel fut célébré à la cathédrale en présence d’une foule émue et sympathisante. Puis les quinze bières furent portées au charnier du cimetière, en attendant que le dégel permit le creusage d’une fosse commune dans la petite nécropole des religieux, près du collège sinistré. Cette translation eut lieu dans le courant du mois de mai suivant. En mai 1948, lors de la vente des terres appartenant aux Frères du Sacré-Cœur, les restes des victimes et le magnifique monument aux sinistrés, qui sert d’assise à la statue du Sacré-Cœur, œuvre du sculpteur Émile Brunet, furent transférés au cimetière de la Cathédrale.