« L’héroïsme […] se fonde avant tout sur le courage à la fois physique et moral, sur une force d’âme exceptionnelle. De ce fait, il s’appuie sur toute une série de qualités affectives comme l’abnégation, l’amour-propre, l’esprit de discipline, le sens de l’honneur et du devoir. Il implique la maîtrise de soi et le mépris du danger ». Pour l’historien Paul Gerbod, ce sont les circonstances périlleuses et dramatiques qui font surgir les actes d’héroïsme – le sacrifice individuel au profit de valeurs supérieures et patriotiques. Depuis l’émergence de l’État-nation, les récits héroïques ont surtout été mobilisés dans un but de servir et glorifier le pays, en plus de servir d’exemples à la collectivité.
Le sacrifice ultime et les blessés de guerre
Durant la Grande Guerre, le degré de la blessure d’un soldat est souvent corolaire à sa reconnaissance sociale. Par exemple, l’historien Vincent Viet compare l’image de différents types de blessés dans l’opinion publique : « […] un grand mutilé, considéré comme totalement inapte au service militaire, jouissait d’une considération sociale infiniment supérieure à celle dont le blessé guéri, affligé ou non d’une infirmité, pouvait bénéficier […] ». Au sommet de cette hiérarchie héroïque trône « l’ultime sacrifice » de donner sa vie.
Outre ceux qui sacrifient leur santé et leur vie au front, il y a ceux qui s’exposent aux mêmes risques dans le but d’épargner des vies humaines. L’objectif de soigner les malades et les blessés de guerre est ultimement de protéger et préserver le capital humain d’un peuple qui se trouve dans une position critique. Ainsi, comme le soutien Viet : « La fonction sociale qui consiste à soigner fut continûment héroïsée par le Service de santé militaire ».
Albéric Marin : Saint-Pien, médecin et héros de guerre
Né à Saint-Pie le 12 mars 1893, Albéric Marin est le fils de Régis Marin et d’Emma Célina Boulay. La famille déménage à Montréal en 1896 et Albéric entreprend successivement des études classiques au Collège de Montréal, au Séminaire de Saint-Hyacinthe et au Collège Sainte-Marie de Montréal, ainsi que des études en médecine à l’École de médecine et de chirurgie de Montréal, affiliée à la Faculté de Médecine de l’Université Laval. En mai 1915, il interrompt temporairement ses études en 4e années de médecine pour aller aider les blessés aux ambulances et sur la ligne de feu en Angleterre. De retour au pays au printemps 1916, il complète avec succès ses examens et est reçu médecin en septembre de la même année. Dès le mois de novembre, il s’enrôle de nouveau afin de retourner sur les champs de batailles européens.
Pour ses divers actes de bravoure, le docteur Marin est décoré des médailles de La Croix Militaire, Military Cross avec agrafe, c’est-à-dire une deuxième Croix Militaire, de Guerre 1914-1918, de la Victoire, 1914-1918 et la Croix de la Légion d’honneur de la France en 1927. Le docteur Marin n’est pas seulement reconnu pour les soins qu’il prodigue aux blessés sur le front, mais également comme officier combattant à la bataille de Chérisy. Le 29 août 1918, alors qu’il est le dernier officier encore disponible de son groupe – les autres sont tous blessés ou tués – le docteur Marin : « voit bien que la situation est devenue désespérée. N’écoutant que son courage, il enlève ses insignes de la Croix-Rouge, qui lui donnent la protection […] prend le fusil d’un mort, rassemble les survivants et part à l’attaque avec ses hommes contre les Boches et les mitrailleuses ». Durant cette poussé, il est lui-même blessé au combat, d’abord à la main et plus tard en perdant conscience – soit par un obus qui éclate tout près de lui ou par des gaz envoyés par l’ennemie. « Il reprend conscience le lendemain sous une tente d’ambulance de campagne ». C’est ainsi que prend fin la carrière d’officier combattant du médecin-capitaine Marin.
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