Beaucoup d’historiens ont écrit sur la Grande Guerre et l’ont abordée sous les angles des stratégies utilisées, des batailles ou encore du grand jeu politique des nations. Très peu l’ont fait sous l’angle de la vie sur le front. En effet, cette situation est due notamment au petit nombre de témoignages qui ont subsisté jusqu’à nous.
Le fonds d’archives de Napoléon Coderre et son témoignage unique
Le Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe a la chance d’avoir dans sa collection le fonds d'archives de Napoléon Coderre (CH324), un volontaire qui s’enrôle dans le Corps expéditionnaire canadien le 29 juillet 1915. Né le 9 novembre 1869 à Saint-Antoine-sur-Richelieu, il est le fils du cultivateur Joseph Coderre (1808-1880) et de Philomène Archambault (1836-1874). L’année du décès de son père, il entame des études au Séminaire de Saint-Hyacinthe, qu’il termine en 1890. Nous ne possédons pas d’autre information sur sa vie personnelle, outre qu’il décède le 21 septembre 1931 des suites d’une longue maladie. Il était alors célibataire et demeurait depuis quelques mois chez son cousin Ignace Archambault, maire du village de Saint-Antoine-sur-Richelieu.
Essentiellement composé de cartes postales, ce fonds témoigne des relations épistolaires qu’entretetient Napoléon avec les membres de sa famille, alors qu’il se trouve sur le front. Les différentes cartes postales – plus de 350 recensées – nous fournissent un soupçon d’information, comme la date, le lieu où se trouve Napoléon et quelques politesses qu’il échange avec les destinataires. Notons que certaines d’entre elles permettent d’imager la réalité vécue par Napoléon, ne serait-ce qu’avec les photographies qui se retrouvent sur la carte. Comme le souligne l’historien Michel Litalien : « La carte postale réussit souvent mieux à exprimer ce que le soldat n’arrive pas à décrire, par exemple en montrant des villes et églises dévastées ».
La censure et les relations épistolaires en temps de guerre
Le peu d’information retrouvée sur les cartes postales s’explique en partie par le fait que la Loi des mesures de guerre étend les pouvoirs du Gouverneur en Conseil. Adoptée le 22 août 1914 par le gouvernement conservateur de Robert L. Borden, cette loi touche notamment la : « censure et le contrôle et la suppression de publications, écrits, cartes, plans, photographies, communications et moyens de communication ».
Selon l’historien Claude Beauregard : « La censure vise deux types de renseignements : les informations militaires et celles qui concernent le moral ». Alors que le premier type de renseignement est lié à tout ce qui touche les effectifs, l’armement et les fortifications, le second est moins bien définit et renvoie « à toute information pouvant nuire » au recrutement et à la poursuite efficace de la guerre. De son côté, l’historien Michel Litalien explique que la correspondance des soldats était soumise : « à un officier de sa compagnie qui supprime détails ou passages jugés inappropriés. […] Si une lettre un peu trop bavarde est interceptée, elle est confisquée et son auteur puni ». Il soutient toutefois que la plupart des soldats s’autocensuraient.
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