À laube du XXIe siècle, la culture québécoise,
quon assimile ici à lensemble des uvres par
lesquelles sexpriment les représentations du monde des
créateurs, saffirme avec une telle évidence, sincarne
dans des institutions à ce point stables et génère
une industrie si dynamique quon a peine à concevoir quil
sagit dun phénomène récent. Mais, somme
toute, ce nest que depuis la Deuxième Guerre mondiale et
lenclenchement de la modernisation du Québec que lexpression
culturelle simpose au Québec comme un fait de société.
Aujourdhui, des noms comme Riopelle, Leclerc, Vigneault et tant
dautres rappellent que cest aux créateurs quil
revient davoir donné vie à la culture québécoise,
de lavoir extirpé de son anonymat et fait resplendir à
la face du monde.
Mais si, aujourdhui, lexistence dune culture québécoise
ne saurait faire de doute pour quiconque habite la francophonie, les
cultures régionales, elles, restent à définir,
un objectif irréalisable dans le cadre élargi des synthèses
dhistoire du Québec. En Montérégie, lidentification
dune culture aux accents régionaux semble dautant
plus nécessaire que les habitants de cet immense territoire,
créé en 1987 puis rendu célèbre lors de
la « crise du verglas » de 1998, émergent lentement
de la confusion identitaire des débuts et commencent même
à partager un sentiment dappartenance. À la fin
de la décennie, la publication de lhistoire de la Montérégie
(1) en trois volumes a déjà permis, à défaut
de déboucher sur lidentification de traits vraiment régionaux,
dapprécier la contribution de cette grande région
à lévolution culturelle du Québec; notre
projet na pas dautre ambition que de favoriser cette quête
identitaire en esquissant quelques portraits dartistes ou dinstitutions
typiquement montérégiens. Ici, on fait le pari que cest
à travers lexpérience des plus originaux et des
plus créatifs de ces artistes, grâce à ceux qui
ont su dépasser les conventions culturelles de leur époque
et dont lapport justifierait une place dans tout livre dhistoire
du Québec, quune certaine représentation de la Montérégie
culturelle pourra émerger. Des noms? Paul-Émile Borduas,
Paul Brunelle, Germaine Guèvremont, Roger Matton, labbé
Gadbois, Charles Daudelin, le groupe Offenbach, parmi tant dautres.
Dans linépuisable bassin des talents, parmi la multitude
des romanciers, des poètes, des compositeurs de musique et de
chansons, des peintres et des sculpteurs qui ont jalonné lhistoire
de la Montérégie, certains y ont travaillé, élevé
leur famille et souvent pris leur retraite, dautres y sont nés
et lont quittée pour ne jamais y revenir, dautres,
encore, en ont fait une terre dadoption. Parfois, cest luvre
qui sarrime aux paysages et aux gens de la Montérégie;
pensons aux peintres Allan Edson et Ozias Leduc pour qui la région
natale simpose comme un thème de prédilection, à
Germaine Guèvremont et à son Chenal du moine, à
Yves Beauchemin dont plusieurs récits se déroulent à
Longueuil et Saint-Hyacinthe. Parmi les Montérégiens dadoption,
comment ne pas inclure le portraitiste français Louis Dulongpré
qui a immortalisé tant de personnages de la Vallée du
Richelieu et de la région maskoutaine au tournant du XIXe siècle,
et encore Félix Leclerc qui sest inspiré des paysages
de Vaudreuil pour composer quelques-unes de ses immortelles chansons.
La recherche dune spécificité culturelle montérégienne
ne peut pas ignorer non plus les trésors collectifs du patrimoine
religieux, érigés comme autant de témoins de lhistoire
et du talent des gens dici.